Orient Express
par Israël Shamir
13 septembre 2001
traduit de l’anglais par Christian
Chantegreil
[MediaMonitor]
Comme les quatre Chevaliers de
l'Apocalypse, les kamikaze inconnus ont précipité leurs vaisseaux géants
sur les deux symboles visibles de la domination mondiale américaine,
Wall Street et le Pentagone. Ils ont disparu dans les flammes et la
fumée, et nous ne savons toujours pas qui ils étaient. Théoriquement,
ils pourraient être à peu près n'importe qui : nationalistes américains,
communistes américains, chrétiens fondamentalistes américains,
anarchistes américains, n'importe qui rejetant les dieux jumeaux du
dollar et du M‑16, haïssant la bourse des valeurs et des interventions à
l'étranger, rêvant de l'Amérique pour les Américains, ne voulant pas
soutenir la course à la domination mondiale.
Ils pourraient être des amérindiens
revenant à Manhattan, ou des afro‑américains n'ayant toujours pas reçu
de compensation pour l'esclavage.
Ils pourraient être des étrangers d'à
peu près n'importe quelle origine, puisque Wall Street et le Pentagone
ont ruiné la vie d'une multitude de gens dans le monde entier. Les
allemands peuvent se souvenir du terrible holocauste de Dresde avec ses
centaines de milliers de réfugiés inoffensifs que l'U.S. Air Force a
anéantis. Les japonais n'oublieront pas l'holocauste nucléaire
d'Hiroshima. Le monde arabe constate chaque jour l'holocauste rampant en
Iraq et en Palestine. Les russes et les européens de l'Est peuvent
considérer Belgrade vengée de sa honte. Les latino‑américains pensent
aux invasions U.S. du Panama et de Grenade, au Nicaragua détruit et à la
Colombie défoliée. Les asiatiques comptent par millions leurs morts de
la guerre du Vietnam, des bombardements au Cambodge, des opérations de
la CIA au Laos.
Même un présentateur de la TV russe
pro‑américain n'a pu s'empêcher de dire, 'maintenant les américains
commencent à comprendre les sentiments de Bagdad et Belgrade'.
Les Chevaliers pourraient être
n'importe qui, des citoyens à qui les banques ont pris leur maison, ou
que l'on a chassé de leur emploi et qui sont devenus chômeurs
permanents, ou qui ont été déclarés Untermensch (être inférieur) par le
nouvel Herrenvolk (race des seigneurs). Ils pourraient être russes,
malais, mexicains, indonésiens, pakistanais, congolais, brésiliens,
vietnamiens, puisque leurs économies ont été ruinées par Wall Street et
le Pentagone. Ils pourraient être n'importe qui, et ils sont tout le
monde. Leur identité n'est pas vraiment importante, car leur message est
plus important que leur personnalité, et leur message s'affiche
clairement et fermement de par le choix de leurs cibles. Je me demande
si les quatre Chevaliers auraient visé Hollywood ou le Washington Post ?
Leur identité n'est pas vraiment
importante pour une raison supplémentaire, les élites juives ont déjà
décidé : ce ne peut être que des arabes. Après l'attentat en Oklahoma,
on aurait pu penser que nous serions moins hâtifs dans nos conclusions.
Mais mes compatriotes, les politiciens israéliens, sont des garçons
impatients. Les flammes de Manhattan n'étaient pas encore éteintes,
qu'ils commençaient à en récolter le bénéfice politique. M Ehud Barak
est venu en personne sur la BBC, et a parlé d'Arafat au cours de ses
trois minutes d'intervention. Sur CNN, son jumeau Bibi Netanyahu a jeté
le blâme sur les arabes, les musulmans et les palestiniens. Shimon
Peres, un vieux sorcier assagi, s'est exprimé contre le suicide comme un
conseiller psychiatrique, rappelant ainsi à son auditoire les attaques
de palestiniens. Il semblait inquiet : il est difficile d'asservir des
gens qui n'ont pas peur de mourir. Cet ancien tueur de Kana a même
évoqué les Gospels. La densité d'israéliens sur les ondes a approché le
point de saturation. Ils ont insinué et incité, imposant leur liste des
commissions à la face blafarde d'une Amérique clouée par les bombes :
s'il vous plait, détruisez l'Iran ! et l'Irak ! et la Libye, siou plait
!
Les premières vingt‑quatre heures
d'exposition maximale ont été utilisées au mieux par la machine de
propagande juive. Pas un seul fait n'était encore établi, que la
calomnie raciste anti‑arabe était déjà un lieu commun. Alors que nous
les juifs, condamnons à juste titre toute référence à la judéité d'un
mauvais gars, cela ne nous gêne pas de produire nous‑même des radotages
racistes révoltants. Un bon militant juif‑américain, James Jordan, a
averti dans al‑Awda : "Faire des déclarations générales ou des
insinuations à propos des "juifs" discrédite et marginalise complètement
une organisation". Mais comment se fait‑il que le flot continu de 'généralités
et insinuations' sur 'les arabes' n'a pas 'complètement marginalisé et
discrédité' les organisations juives et les média qui en font usage ?
Apparemment, c'est un droit réservé aux juifs de décider qui sera
marginalisé en Amérique et qui ne le sera pas.
L'association était faite, dans les
esprits, car Israël ne représente qu'un modèle réduit de leur meilleur
des mondes globalisé. Comme il n'y avait pas de fait avéré contre les
palestiniens, les israéliens et leurs agents dans les réseaux
médiatiques de l'Occident ont fait de leur mieux avec les scènes de joie
filmées à Jérusalem Est. C'est une grave distorsion de la réalité.
Personne ne célèbre la mort cruelle de civils innocents, alors que les
gens peuvent se réjouir de la chute du symbole haï. L'Amérique a célébré
le jour de sa victoire, pas la mort d'allemands et de japonais.
Quand les américains se réjouissaient
des frappes chirurgicales de leurs missiles à Bagdad en 1991, ils
célébraient leur réussite, et ne se réjouissaient pas de l'odeur
agréable de la chair humaine brûlée.
Les soit‑disant réjouissances
palestiniennes sont donc un horrible moyen de lavage de cerveau, venu
directement de la boîte à propagande des nazis. Cela rappelle la
dernière invention des juifs à propos des palestiniens qui envoient
leurs enfants mourir pour en tirer bénéfice. Les deux mensonges sont si
inhumains, si choquants, qu'ils disent tout de ceux qui les formulent.
Je suis désolé pour les palestiniens, les gens les plus diabolisés sur
terre, je suis encore plus désolé pour les américains qui absorbent le
poison de leur média. Ils ne voient pas que les agents d'Israël essaient
d'utiliser chaque victime américaine. Oublier les palestiniens, il y
avait un trop grand élan de par le monde.
Dans le Meurtre de l'Orient Express
d'Agatha Christie, son détective favori M. Poireau fait face à une
difficulté inhabituelle ; tous les passagers du train avaient une bonne
raison d'assassiner l'antipathique veille dame. Mes chers amis
américains, vos dirigeants ont mis votre grand pays dans la peau de la
vieille dame.
Les israéliens ont utilisé l'événement
au maximum. Ils ont même tué une vingtaine de palestiniens dont une
fillette de neuf ans, il ont envahi Jenine et Jericho, et détruit des
Goyish houses (maisons de gentils) dans Jérusalem. Les communiqués
étaient assez joyeux, dans le style 'on vous l'avait bien dit', et les
experts de la télévision israélienne on conclu, avant une heure, que
l'attaque 'était une bonne chose pour les juifs'. Pourquoi ? Parce que
cela allait renforcer le soutien des Etats‑Unis à Israël.
L'attaque kamikaze pourrait en effet
avoir cette conséquence. L'Amérique pourrait inaugurer un nouveau cycle
de violence dans ses difficiles relations avec le monde. La vengeance
suivra la vengeance, jusqu'à ce que l'un des deux camps soit anéanti par
une explosion nucléaire. Il semble que le président Bush préfère cette
voie. Il a déclaré la guerre à ses adversaires et à ceux d'Israël. Bush
n'a même pas compris qu'il y a plusieurs années que la guerre a été
déclarée par les Etats‑Unis, ce n'est que maintenant qu'elle débarque
chez lui. Tant de personnes sont écœurées par l'approche brutale de
l'Amérique, que le compte à rebours de la prochaine attaque a déjà
commencé.
Ou bien, l'Amérique pourrait voir ce
coup douloureux porté à sa Wall Street et son Pentagone, comme un
dernier appel au repentir. Il lui faudrait changer de conseillers, et
construire de nouvelles relations avec le monde, sur une base d'égalité.
Elle aurait probablement à maîtriser les élites de Wall Street et des
media, partisanes de la suprématie juive, obsédées par la domination, et
en partie associées avec l'apartheid israélien. Elle pourrait alors
redevenir l'Amérique aimée universellement, l'Amérique plutôt
provinciale de Walt Whitman et Thomas Edison, de Henry Ford et Abe
Lincoln.
Maintenant le Président Bush a le choix
entre le chemin de la vengeance du Vieux Testament et l'esprit d'amour
du Nouveau Testament.