La
troisième colombe
par Israel Shamir
Dans le film inspiré de l'un des romans de la saga des mammouths de Jean
Auel, Le Clan de l'ours des cavernes, on a un aperçu de la vie sexuelle
des hommes du Paléolithique qui erraient sur la Terre il y a quelque 35
000 ans. Apparemment, chaque fois qu'un homme de Neandertal avait
l'esprit à la bagatelle, point n'était besoin qu'il apportât des fleurs
ou organisât un dîner en tête-à-tête. Il lui suffisait de faire un
certain signe de la main et l'élue se soumettait immédiatement à son
désir, sans autre forme de procès.
Aujourd'hui, le signe exigeant la soumission est toujours d'actualité.
Chaque fois que des gens discutent de ce qui a été fait au nom des juifs
par Sharon ou Abe Foxman, par exemple, dès l'instant où le débat
commence à déraper, l'un des dirigeants de la communauté prononce le mot
magique " d'antisémitisme " et comme si un sort nous était jeté, nous
nous inclinons sur le champ. Comment ne pas s'étonner que des hommes et
des femmes adultes, n'ayant jamais subi personnellement un quelconque
préjudice au cours de leur existence, continuent de réagir à ce signe
magique, tels la petite Ayla dans la nouvelle d'Auel.
Nombreux sont les juifs qui éprouvent un sentiment de nausée face à la
machine de l'establishment juif officiel et de son antenne israélienne.
Dirigé par un assassin de masse reconnu comme tel, le gouvernement
israélien commet des crimes de guerre au quotidien. Sièges, famine
organisée des masses et exécutions sommaires, pour lesquels il n'existe
pas de précédent, relèvent désormais de l'ordinaire. Il n'y a plus lieu
de s'alarmer devant les bombardement, le mitraillage ni le pilonnage de
civils. Nombre de juifs en sont témoins et seraient prêts à le confesser
en " petit comité ". Ils lisent les informations en provenance d'Israël
avec résignation et dégoût, tels le baron anglais de l'époque
victorienne apprenant les nouveaux exploits de son frère dément dans
quelque colonie lointaine.
L'establishment judéo-américain ne vaut pas mieux que les dirigeant
d'Israël. Il soutient inconditionnellement les criminels israéliens et
autres criminels juifs, de Sharon à Gusinsky, le magnat de la presse en
Russie. Abe Foxman, animateur de l'ADL (Anti-diffamation League) compile
des fichiers de documents compromettants, enregistre par micro caché des
conversations téléphoniques et viole la vie privée de nombreux
Américains. De sa voix bêlante, Elie Wiesel et ses acolytes nous
bassinent avec leur pharisaïsme à la petite semaine. Conrad Black et
autres individus du même acabit adoptent des positions indéfendables sur
le plan moral, en soutenant des monstres tels que le tortionnaire
chilien, Augusto Pinochet, et Henry Kissinger, l'exterminateur des
Cambodgiens.
Mais à peine osons-nous objecter, que nous voyons le signe d'Ayla et
nous nous soumettons. Si personne n'en parle ouvertement, nous le
murmurons entre nous : " Chut ! cela va provoquer l'antisémitisme ! "
Nous n'y pouvons rien, c'est trop profondément ancré. Tels des enfants
gâtés, nous considérons toute critique comme une manifestation de haine.
Nous avons osé nous rebeller contre des souverains mais nous ne saurions
remettre en question nos dirigeants autoproclamés qui se sont imposés à
nous, car " cela engendrerait l'antisémitisme ".
Accusé d'avoir touché un chèque de 100 000 $ de la Fondation Marc Rich,
Abe Foxman a fait le signe d'Ayla dans le New York Times (du 21 mars),
en proclamant que " l'antisémitisme est une maladie dont nous observons
les symptômes d'une grave épidémie à New York ". Mais son coup a fait
long feu. Le Rabbin du mouvement Toward Tradition le qualifie de " type
qui n'est pas en prise avec la réalité " et de " revendeur du produit de
l'antisémitisme ". Ce rabbin fait observer que l'ADL est financée (par
ses contributeurs) en fonction du degré d'antisémitisme qu'il
détermine[i].
Pour faire la preuve de son pluralisme, le Guardian (numéro du 28 mars
2001) a publié une page de chroniques et de commentaires répondant aux
éditoriaux, signée par un certain Simon Sebag Montefiore, qui a déclaré
" qu'en privé, les militants les plus énergiques appartenant aux médias
qui prennent parti contre Israël sont des antisémites virulents ". Ce
monsieur décrit les journalistes et personnalités britanniques comme des
" chiens poussant l'ours dans ses derniers retranchements ". Par " chien
", il faut entendre " Lord Gilmour " et par " ours ", Conrad Black.
Sebag Montefiore s'élève tout particulièrement contre " les implications
les plus douteuses selon lesquelles Israël copierait pour le pire le
comportement des Allemands, ce qui équivaudrait pratiquement à nier
l'Holocauste et son iniquité ". Disons que c'est une question de normes.
Il y a des années, un écrivain israélien remarquait que les juifs
mesurent leurs actions à l'aune des Nazis et ne manquent jamais de se
considérer comme des " occupants aussi bons que bienveillants ". Il se
peut que le côté " généreux " soit passé à la trappe. Assurément, le
chapitre de l'occupation nazie en Pologne est bien pire que les
trente-quatre ans de régime militaire israélien dans les Territoires
occupés. Mais l'occupation de la France par les Nazis a probablement été
plus douce pour les Français que l'occupation israélienne des
Territoires palestiniens et, fort heureusement, beaucoup plus courte.
Sous le régime de Vichy, la vie quotidienne était probablement meilleure
que dans la bande de Gaza soi-disant " autonome ".
Montefiore apaise les craintes des Britanniques en assurant que " son
objectif n'est pas de lancer une chasse aux sorcières mais simplement de
mettre en garde les gens honnêtes contre le désastre qui les guette ".
Cette opération publicitaire, sans doute sponsorisée par Black, avait
vraisemblablement pour objectif de terroriser les juifs britanniques au
point de les forcer à soutenir le général Sharon.
Or, la balle n'est pas uniquement dans le camp de la droite. Amnon
Rubinstein, homme de conviction libérale, en appelle à ses compatriotes
pour lutter contre le danger de l'antisémitisme. Pour lui, ce fléau
s'est notamment manifesté lorsque la Grèce a traduit en justice un
escroc juif qui sévissait à la Bourse, quelque " Milken " ou autre "
Mark Rich " du cru. Selon Rubinstein, les juifs doivent être soustraits
à toute persécution et tous les juifs se doivent de soutenir les requins
dès lors qu'ils sont juifs. Uri Avnery, militant israélien pour la paix
de Gush Shalom, appelle les Arabes à lutter contre l'antisémitisme car,
dit-il, " c'est l'antisémitisme qui a amené un million de Russes juifs
en Israël ". Il aurait pu ajouter que l'antisémitisme a aussi amené un
demi million de travailleurs immigrés chinois dans le pays.
Pour tranquilliser vos esprits, je vais vous donner mon témoignage
personnel. Enfant du baby-boom un peu sur le retour, j'ai voyagé dans le
monde entier, vécu parmi les Russes et les Palestiniens, les Allemands
et les Suédois, les Anglais et les Japonais, les Indiens et les
Africains. Et, en me fondant sur mon expérience, je puis vous dire que
l'antisémitisme n'existe plus. En tant que juif, on peut se promener
librement dans n'importe quelle cité des hommes, on est partout en
sécurité à condition de venir en ami. Le préjugé à l'égard des juifs a
disparu. Bien sûr, vous trouverez toujours quelqu'un qui hait les juifs
mais ceux qui haïssent les Polonais ou les Irlandais, ou ont un compte à
régler avec les WASP sont bien plus nombreux. Vous avez beaucoup plus de
chances de tomber sur quelqu'un qui hait les Arabes ou sur des gens qui
haïssent les Noirs ou les Orientaux.
J'ai rencontré bien des gens marqués du sceau de l'infamie pour "
antisémitisme ". Or, ces soi-disant antisémites protestent contre les
politiques adoptées par la communauté juive organisée, l'alliance
douteuse de Sharon et d'Abe Foxman, de Gusinsky et de Mark Rich, de
Conrad Black et de William Safire. Je suis parfaitement d'accord avec
eux car, en la matière, il n'est pas question de préjugé.
Les " pros " de la lutte contre l'antisémitisme le savent très bien.
Leur véritable objectif n'est pas de combattre cette tendance mais de
terroriser les juifs ordinaires pour les amener à se soumettre. C'est la
raison pour laquelle les " piliers " de la communauté leur signent des
chèques conséquents. Alors ceux-là rapportent toutes les insultes, en
grossissant dix fois l'affaire. L'industrie de l'Holocauste n'est qu'une
filiale de la Manufacture de l'antisémitisme, une arme à double
tranchant : elle soutire de l'argent aux Gentils et contraint les juifs
à obéir aux dirigeants de la communauté.
En 1991, quand les scuds irakiens atterrissaient en Israël et que les
sirènes d'alarme retentissaient pour annoncer la guerre chimique, une
douzaine d'Israéliens sont morts étouffés avec leur masque à gaz. Dehors,
pourtant, point de gaz mortel, mais l'air frais des collines de Judée
qui embaumaient. Mais pour rien au monde ils ne l'auraient respiré,
pensant qu'ils périraient dès l'instant où ils ôteraient leur masque.
Ils ont préféré s'asphyxier. C'est là le paradigme de l'existence des
juifs dans le monde contemporain, où la peur rôde dans l'ombre.
Quand Noé a lâché la première colombe de l'Arche, elle a dû revenir mais
la deuxième a rapporté un rameau d'olivier. Quant à la troisième, elle
n'est pas revenue. Noé s'est alors rendu compte que le déluge était
terminé et a considéré que rien ne justifiait qu'il retournât dans
l'Arche où l'air était irrespirable. Eh bien, cette troisième colombe,
c'est moi ! Vous pouvez ôter vos masques. Dehors, l'air est parfaitement
sain. Les eaux du Déluge se sont retirées. Allez, sortez souhaiter la
bienvenue à la race humaine, à vos frères et à vos sœurs.
Nous autres, juifs comme Gentils, avons les mêmes ennemis et les mêmes
amis. Nos ennemis sont ceux qui nous repoussent vers le ghetto de la
haine contre les goys, car qui hait les juifs n'est que l'image inversée
de celui qui hait les goys. Quelques générations à peine nous séparent
du monde étouffant où vivait la communauté juive traditionaliste. Les
nostalgiques n'ont qu'à faire un saut à Brooklyn.
Parlant de son enfance [ii], Yossi Klein Halevi, journaliste
israélo-américain a écrit : " Nous vivions en lisière de Borough Park.
Au delà de notre enclave de Brooklyn (…), il y avait des Italiens, des
Portoricains et des Scandinaves. Ils ne suscitaient aucune curiosité en
nous, uniquement de la peur. Nous les considérions tous comme des
membres du même groupe ethnique : celui des gens qui haïssent les juifs.
Nous les appelions des " Goyim ", mot hébreu qui signifie littéralement
" les nations " mais auquel nous donnions le sens " d'ennemi ". Nous
vivions dans un monde clos uniquement juif (...) Si cela avait été
possible, nous aurions entouré Borough Park de douves....Borough Park ne
s'intéressait pas à ce qui se passait au delà de ses propres limites, et
franchissait d'un bond les quartiers chrétiens pour ne considérer que
d'autres enclaves juives - comme si seules les parties du monde civilisé
étaient juives et que le reste était habité par des créatures enragées,
capables à tout moment de se livrer à la violence sans avoir été
provoquées : " le monde " n'existait que dans la mesure où il avait des
conséquences pour les juifs. Les juifs et " le monde " ne pouvaient pas
coexister. Au mieux, nous pouvions nous supporter, mais de loin.
Certaines de nos lois religieuses semblaient faites non pas pour nous
rapprocher de Dieu mais pour nous séparer des goys et, moi-même, j'ai
accepté cette scission comme si elle allait de soi ".
Il faut bien savoir qu'Halevi parle du New York actuel, qui compte une
importante population juive, et non de quelque ville du Moyen Âge. Il ne
faut pas non plus s'étonner qu'après avoir subi un lavage de cerveau
dans son enfance, Halevi soit devenu militant du groupe Nazi de la haine
contre les goys, la Jewish Defence League de Meyer Kahane. Il s'est
repris mais, encore aujourd'hui, ce correspondant du New Republic en
Israël soutient les colons qui se comportent " comme si les seules
parties civilisées de la Palestine étaient juives, le reste étant peuplé
de créatures enragées, capables à tout moment d'exercer la violence sans
avoir été provoquées ". Si l'on retourne quelques générations en arrière,
tous les juifs vivaient dans des enclaves de ce type et obéissaient
servilement à l'élite juive de la richesse et du savoir. Cette élite
fondait son pouvoir sur le népotisme ainsi que sur la peur ancestrale de
l'antisémitisme. Depuis, l'aristocratie juive s'est adaptée à la
nouvelle situation mais continue d'attiser cette peur pour pouvoir nous
contrôler.
Le " soutien mutuel " que prône la communauté juive est immoral. Quand
un Irlandais ou un Italien se rend coupable de vol, il va en prison mais
le prêtre de sa paroisse peut très bien lui faire parvenir une friandise
pour Noël. Mais quand c'est un juif influent qui vole, que ce soit
Vladimir Gusinsky ou Mark Rich, la communauté juive exige son impunité.
Si un État juif commet des crimes de guerre, la communauté juive le
soutient sans réserve. Pour une communauté ethnique, c'est là un
comportement anormal, un vestige honteux de l'époque où nous avions
l'habitude de traiter avec le monde extérieur comme si nous appartenions
à quelque guilde médiévale.
Aidons-nous les uns les autres à vaincre cette tendance à nous incliner.
Tout homme doit pouvoir élever des objections contre les menées
homicides des dirigeants de son pays sans pour autant être accusé de
traîtrise. C'est la position que Mark Twain a adoptée lorsqu'il a
protesté contre l'intervention des États-Unis aux Philippines. C'est
également la position qu'a prise Thoreau pendant la guerre pour le
Texas. Ce fût aussi la position adoptée par Alexandre Soljenitsyne,
Thomas Mann et Berthold Brecht. Les juifs ne devraient pas avoir de
difficultés à les imiter car les dirigeants autoproclamés de leur
communauté n'ont pas vraiment de pouvoir sur eux. Ils ne peuvent que
recourir à la tactique de l'intimidation.
Vouloir continuer de nous battre contre le spectre de l'antisémitisme
nous éloigne du véritable problème. Pendant la Deuxième Guerre mondiale,
Iliya Ehrenburg, cet exceptionnel écrivain russe juif, a, dans un moment
de colère furieuse, appelé ses concitoyens (dans les pages de la Pravda)
à " éradiquer la vermine allemande ". Le maréchal Joseph Staline l'a
rappelé à l'ordre. " Les Nazis sont venus et ils repartiront mais le
peuple allemand, lui, sera toujours là ". La propagande allemande a fait
ses choux gras du discours haineux d'Ilya Ehrenburg, en s'efforçant de
dissimuler le fait que le problème ne tenait pas à la remarque
anti-allemande de l'écrivain juif mais aux crimes de guerre de
l'Allemagne. Dans le même ordre d'idées, le problème actuel ne relève
pas du mythe de l'antisémitisme : il s'agit bel et bien de crimes de
guerre perpétrés par Israël avec la complicité des États-Unis.
L'antisémitisme est l'arme des brigands disait Lénine dans les années
20, se faisant l'écho de la maxime de Samuel Johnson. Telle de nombreux
versets de la Bible, cette phrase demeure valable même si le contexte
n'est plus le même. Les brigands continuent d'utiliser l'antisémitisme
comme une arme mais, aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont des juifs.
[i] http://www.vny.com/cf/News/upidetail.cfm?QID=172359
[ii] MEMOIRS OF A JEWISH EXTREMIST, Little, Brown and Co.,1995