par
Israel Shamir, 31 décembre 2004.
Traduit
de l’anglais par AEH pour Quibla, le quotidien francophone
on-line des Musulmans libres et actifs et leurs alliés, http://quibla.net
Alors que le monde entier envoie de l’aide à l’Asie du Sud-est frappée
par le tsunami, Israël a envoyé une équipe chargée
d’une mission unique. Le nombre de touristes israéliens
emportés par les vagues géantes a été faible - les
chiffres officiels parlent de 3 morts et de 20 disparus, ce
qui est bien peu, comparé aux 100 000 Indonésiens ou même
aux 3 000 Suédois. Mais les équipes israéliennes se sont
beaucoup activées sur le terrain. Les experts hautement
qualifiés dirigés par le rabbin Meshi Zahav ne se sont pas
déplacés pour sauver des survivants coincés ou alléger
les souffrances de millions de gens. Non, leur travail
consiste à sauver des juifs morts d’un destin pire que la
mort : être enterré dans la même tombe que des goyim
(non-juifs). Le quotidien Haaretz a rapporté : « Les équipes
de sauvetage israéliennes se sont divisées en 2 groupes
jeudi en Thaïlande : l’un travaillait à
l’identification des corps à Krabi, tandis que l’autre
faisait de même à Phuket. Les équipes israéliennes,
appartenant à la police et à ZAKA (une ONG spécialisée
dans l’identification de victimes de désastres), essaient
de localiser des morts israéliens avant qu’ils soient
enterrés. »
Ils ont fait pression sur le gouvernement thaïlandais pour qu’il reporte
l’enterrement de masse, ce qui était nécessaire pour prévenir
la diffusion d’épidémies; et Bangkok a cédé. Chaque
corps de juif mort devrait être transporté en Israël ou
au moins être enterré séparément, à part de non-juifs
impurs. Le spirituel Gilad Atzmon a fait cette remarque : «
Les juifs « altruistes »... sont dans un état
de panique, comme nous le savons bien, les juifs morts sont
précieux, ils méritent un enterrement spécial. Le fait
que 5 à 10 juifs puissent être perdus à jamais au milieu
de 125 000 Gentils est réellement horrifiant, je suis sûr
que vous vous en rendez compte...»
C’est une partie et une parcelle de la croyance juive, le sommet du
commandement « La Nation habitera seule » - les juifs ne
sont pas supposés vivre ou mourir parmi des non-juifs. Leur
enterrement séparé est nécessaire pour garantir leur résurrection
corporelle lorsque le Messie viendra. Un corps juif profané
par des Gentils ne connaîtra pas de résurrection, selon
les juifs. Même les juifs non-religieux suivent cette règle
de séparation sans y réfléchir plus que cela.
Cette attitude délicate est particulièrement déplaisante : chaque fois
que les juifs découvrent qu’une personne dont la judéité
est douteuse est enterrée parmi les leurs, ils déterrent
le corps et vont le bazarder n’importe où. C’est arrivé
à une citoyenne israélienne, Teresa Angelowitz. Elle était
enterrée au cimetière juif; puis les autorités
religieuses ont découvert qu’elle n’était pas juive,
bien que mariée à un juif. Elles ont fait exhumer le corps
en pleine nuit et l’ont balancé dans une décharge.
C’est arrivé à beaucoup de soldats russes morts en défendant
le caractère juif d’Israël, auxquels a été refusé un
enterrement.
Aujourd’hui, face à l’immense tragédie en Asie du Sud-est, cette
insistance sur l’exigence de « ne pas être compté
parmi les goyim » est particulièrement offensante et
frise la dénégation de notre humanité commune. Quel mal y
a-t-il à laisser votre mort reposer aux côtés de Thaïlandais,
de Chinois, de Français et d’autres gens qui ont trouvé
la mort dans la catastrophe ?
Et
si les colons de Gaza suivaient l’exemple des colons
anglais du Kenya ?
Cet exclusivisme déplaisant doit être pris en considération si on veut
comprendre le show prolongé du redéploiement israélien à
Gaza. Sharon veut retirer ses troupes de l’intérieur de
la Bande et les positionner sur son pourtour. Bien : c’est
une décision raisonnable (de son point de vue) car c’est
moins cher de garder Gaza sous écrou si elle est entourée
de troupes israéliennes. Le redéploiement n’est ni bon
ni mauvais pour les Palestiniens : les juifs seront en
mesure de tuer qui ils veulent à partir de leurs bases tout
autour de l’étroite Bande de Gaza, mais cet acte est présenté
comme une étape importante sur le chemin de la création
d’un État palestinien.
Désormais, ce n’est plus du redéploiement que les Israéliens
débattent mais du sort des quelques colons juifs dans la
Bande de Gaza (sans doute 2 000). Sharon veut les évacuer
et leur payer de grosses compensations; eux s’opposent à
l’évacuation. Toute la société israélienne discute
pour savoir s’ils peuvent être déplacés, combien de
force il faudrait employer, si « des juifs peuvent déplacer
des juifs » et si la sentence des rabbin interdisant
cette évacuation devrait l’emporter sur les décisions
gouvernementales.
Personne, absolument personne n’est prêt à envisager une solution évidente
(pour un non-juif): retirer l’armée et laisser les colons
là où ils sont. S’ils veulent rester à Gaza, qu’ils y
restent. Ne payez pas un centime pour leur évacuation : ce
sont des hommes et des femmes libres; ils savaient ce
qu’ils faisaient en acceptant des terres et des maisons à
Gaza. Il y a des centaines de juifs américains qui sont prêts
à acheter leurs maisons, il y ara aussi des Palestiniens
disposés à acheter, si bien qu’il n’y a pas de problème.
Que ceux qui le voudront restent, que ceux qui veulent
partir vendent leur maison et s’en aillent. S’ils
veulent être hostiles à leurs voisins, ils se sauveront.
S’ils veulent être de bons voisins, ils prospèreront.
De fait, quand l’Empire britannique a abandonné la Palestine, l’Inde ou
l’Afrique, il n’a pas évacué ses ressortissants par la
force. Ceux qui sentaient qu’ils avaient causé trop de
torts aux natifs sont partis en Angleterre. Ceux qui préféraient
rester sont restés.
Le Kénya est un bon exemple. Le pays comptait une importante communauté de
colons anglais, très actifs. La résistance native des
Mau-Mau était beaucoup plus violente que celle des
Palestiniens. Et pourtant, quand le Kénya est devenu indépendant,
les colons sont restés. J’en ai rencontré sur les hauts
plateaux près du Lac Rudolf : des fermiers prospères,
forts et burinés par le soleil, similaires aux Israéliens
de la vieille école, ils parlent la langue locale et
participent à la vie locale. Beaucoup d’eux ont des
petits avions et vont faire un saut à Nairobi pour boire un
verre quand ils en ont assez d’observer les flamants roses
sur les rives du lac. Les colons essayent d’avoir des
relations de bon voisinage avec les natifs : après tout, le
pouvoir politique est aux mains des Kikuyus et il n’y a
pas de risque que la RAF se porte à leur secours.
C’est l’exemple que doivent suivre les colons israéliens et le
gouvernement israélien ne devrait pas avoir à leur dire
quoi faire et où vivre. Leurs colonies ne seront pas réservées
uniquement aux juifs. Ils auront des voisins natifs, pas
seulement comme main d’oeuvre agricole, mais comme
fonctionnaires, comme policiers, comme juges. Cette
perspective n’a pas empêché des milliers de Britanniques
et de Français, de Portugais et d’Espagnols, de Russes et
d’Allemands de rester vivre dans les pays décolonisés.
Le discours sur l’évacuation qui a conduit Israël au
bord de la guerre civile ne peut être compris si on ne
prend pas en compte le panorama général de
l’exclusivisme juif.
Seuls des gens qui ne peuvent supporter l’idée d’être enterrés dans
la même tombe qu’un goy, sont incapables d’imaginer
qu’il serait possible de rester comme égaux, sans
l’appui de l’armée et de l’administration coloniale
pour renforcer leur supériorité. Azmi Bishara, notre député
de Nazareth, a eu raison de ne pas soutenir l’initiative
de Sharon. En revanche, le parti travailliste de Peres et
Barak a ajouté une nouvelle page à l’épaisse liasse de
pages honteuses de son histoire en entrant au gouvernement
Sharon pour mettre en oeuvre le « désengagement ».
L’affaire des colons de Gaza peut être utilisée pour
saboter et détruire le « caractère juif de l’État ».
Il n’y a aucune raison de jouer le jeu de l’exclusivité
juive, que ce soit en Thaïlande ou à Gaza.