par Israël
Shamir
mars 2003
(traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier)
Y a-t-il plus
français que Tarascon ? Ce charmant petit village provençal entoure
les hautes murailles crénelées d’un château féodal accroché à
l’escarpement du Rhône, au milieu d’une campagne agréable, gorgée de
soleil, de chardons, de vins raboteux et des poèmes de Frédéric
Mistral. Fleuve mis à part, cela ressemble beaucoup à ma Palestine
aride. Et, de fait, c’est ici qu’une jeune fille palestinienne
ingénue et libérée, Nicolette, fut courtisée par l’héritier du
château de Beaucaire, le sémillant Aucassin, dans un fabliau du
Treizième siècle. L’église de Tarascon (bombardée dans les années
1940 par l’ubiquiste aviation américaine) est assez vieille pour
conserver le souvenir de leurs serments amoureux. Mais le principal
sujet d’orgueil de Tarascon, c’est d’avoir servi de décor à un roman
du barde du Midi, Alphonse Daudet [1]. On y voit un monument élevé à
son personnage principal, Tartarin, incarnation d’un paysan
méridional jovial, terre-à-terre, mais quelque peu vantard, qui se
laisse emporter par son imagination, mais qui finit immanquablement
par avoir la frousse.
Dans une
aventure un peu moins connue que les autres, on a dit à Tartarin que
les Alpes sont parfaitement sûres et que les crevasses, les
avalanches et les parois verticales ne sont que des expédients
auxquels recourent les guides du coin pour extorquer des pourboires
conséquents à des alpinistes novices. Armé de cette science,
Tartarin accomplit des prouesses, traversant des abîmes en marchant
sur une corde, escaladant des sommets jamais conquis et stupéfiant
ses guides par sa bravoure insensée, jusqu’à… Jusqu’à ce qu’il
apprenne que les dangers des Alpes sont parfaitement réels. Après
quoi, il est incapable de marcher sur le sentier, même le plus
confortable, car il craint pour sa vie. Et le grand héros d’hier
doit être redescendu par quatre robustes montagnards…
Cette
mésaventure de Tartarin de Tarascon m’a rappelé le virage à cent
quatre-vingts degrés auquel nous assistons dans la politique
française. Voici seulement un an, la France s’opposait
courageusement aux projets américains d’agression contre l’Irak.
Jacques Chirac mit sur pied la coalition des braves, en s’alliant
avec l’Allemagne, la Russie et la Chine contre la détermination des
néocons à réduire le Moyen-Orient à la merci de Sharon. Mais, depuis
lors, les tanks US sont arrivés au centre de Bagdad et les néocons
ont proclamé la France ennemie numéro 1, ex æquo avec la Corée du
Nord et l’Iran. Tartarin de Tarascon a dû changer d’avis, puisqu’il
a pris garde à l’abîme alpestre qui s’ouvrait devant lui…
Ce virage en
épingle à cheveux est particulièrement patent en ce qui concerne
Israël et les juifs. Il y a un an, tout juste, le sentiment de
l’indépendance française était tellement fort qu’un ambassadeur
français avait osé se demander, à propos d’Israël, pourquoi « ce
petit pays de merde » causait un tel trouble, à l’échelle mondiale.
Aujourd’hui, le président du petit pays de merde fait son entrée à
Paris au milieu du brouhaha triomphal ordinairement réservé aux
empereurs victorieux, et le boucher de Qibiya, de Sabra et Chatila
s’apprête à venir en visite, cet été, dans une France domptée.
Le quotidien
israélien Ha’aretz a ironisé : « Si vous projetez de visiter Paris
la semaine prochaine, peut-être feriez-vous mieux d’y renoncer. A
cause de la « marée montante d’antisémitisme ? » Que nenni. Au
contraire. A cause de l’Israël Pride ! Le président israélien Moshé
Katzav sera à Paris, en visite d’Etat, et son homologue Jacques
Chirac a bien l’intention de l’accueillir avec une bonne grosse
accolade à vous décoller du sol, voire même de bloquer toute
circulation dans un centre-ville déjà au bord de l’asphyxie en temps
ordinaire. Au Seizième siècle, le roi protestant Henri IV déclara :
« Paris vaut bien une messe » (il faisait allusion à sa propre
conversion au catholicisme). Le souverain installé aujourd’hui dans
la capitale française pense que le réchauffement de ses relations
avec Israël mérite bien de causer une crise nerveuse aux
automobilistes parisiens irascibles. »
La meilleure et
la plus grande des salles de spectacle de Paris, le Palais des
Congrès, a été accordée à l’Association pour le Bien-Etre du Soldat
Israélien pour son concert gala annuel. Au dernier moment, ce
spectacle a été déprogrammé et transféré dans un pavillon du parc
des expositions de la Porte de Versailles [Finalement, il semble
qu’il n’a pas eu lieu, NdT]. Les courageux communistes du PCN – NCP
[2] ont écrit, dans leur prose musicale gauloise : « Il semble
s’avérer que nous devons en effet veiller au bien-être de ces types
délicieux qui ont placé 200 000 mines anti-personnelles au Sud
Liban, des acolytes des check-points, des destructeurs de Jénine et
de la Palestine, des troupes de soutien aux escadrons de la mort,
des pilotes qui bombardent les camps de réfugiés palestiniens, des
soldats qui tirent sur des enfants armés de leurs seules pierres… »
Le PCN – NCP ne
tourne pas autour du pot : il n’attribue pas cette volte-face à on
ne sait trop quels charmes israéliens. Pour ses militants, « le
lobby sioniste est la position avancée des collaborationnistes
Yankee qui ressortent leur vieux chantage, usé jusqu’à la corde, à
l’ « antisémitisme » - équivalent de l’antisoviétisme de l’époque de
la Pax Americana. Le vrai problème, ce n’est pas
l’ « antisémitisme », mais la judéophobie : la peur des juifs, la
crainte – pas si irrationnelle que ça – de leur pouvoir. Nombreux
sont ceux, en France et ailleurs, qui pensent au plus profond
d’eux-mêmes que c’est le pouvoir juif qui a amené les tanks
américains à Bagdad et qui peut un jour les amener à Paris, si
besoin est.
Quelle soit
vraie, ou non, cette idée a sa dynamique propre. Et tandis que les
courageux Français du PCN – NCP refusent ce qu’ils appellent la
Kollaboration avec l’impérialisme américano-sioniste, des gens moins
courageux empruntent, soumis, le sentier qui conduit à Vichy.
La France n’est pas encore
conquise, mais Tartarin a eu la frousse de sa vie.
Le lobby juif
exècre toute référence au Christ et proteste contre la Passion du
Christ de Mel Gibson – film qui fera date. Dans toute la France
catholique, naguère fille aînée et chérie de l’Eglise, il n’est pas
un seul distributeur ayant pignon sur rue qui ait osé programmer ce
film. Cette mission suicide a été assumée par un musulman aimant le
Christ (comme tout musulman), immigré du Maghreb, qui met, ce
faisant, l’accent sur le fait que le Christ est la seule figure
héroïque à même de fédérer les Musulmans Arabes, les Catholiques
Français et les Orthodoxes Russes dans un unique front anti-Mammonite
[3]. De fait, les immigrés musulmans [4] ont redonné à la France une
partie de son esprit indomptable, perdu avec cette multitude de
jeunes existences sacrifiées à Verdun.
Le lobby
sioniste s’est cabré devant l’humour iconoclaste de Dieudonné, et ce
comédien extraordinairement populaire a vu les salles de spectacles
se refermer devant lui, un peu partout dans le pays. Le lobby
sioniste a objecté à mon livre L’Autre visage d’Israël, publié par
les éditions Balland, dont le PDG, Denis Bourgeois, en digne
héritier de Tartarin, a donné l’ordre de le brûler.
Et voilà qu’en
ce 15 mars 2004, à Marseille, le CRIF [en réalité, il s’agit du
Consistoire israélite, NdT], brigade cde choc des collabos
américano-israéliens en France, traîne devant un tribunal
Pierre-Alexandre Orsoni, rédacteur en chef de la newsletter diffusée
par e-mail Point d’Information Palestine, ainsi que le traducteur
Marcel Charbonnier, deux amis exigeants de la Palestine, et aussi
mes amis, pour « incitation à la haine raciale », au motif d’avoir
traduit et publié mon article Les Oreilles de Midas (voir sur mon
site les versions anglaise, française et espagnole de ce texte).
Dans cet article, j’attribuais la guerre en Irak à l’action
concertée de la juiverie américaine organisée.
« Oh, non ! C’est le
PETROLE ! », protestèrent certains lecteurs. Et d’autres,
d’objecter :
« Mais non, la raison de
l’intervention américaine, ce sont les armes de destruction massive
irakiennes ! »
Un an a passé.
L’Irak est occupé. Mais pas une goutte de pétrole n’en provient,
comme je l’annonçais. En revanche, du pétrole et des vivres
parviennent, pour un prix rondelet, aux troupes américaines qui
saignent, en Irak. Et d’où ça donc ? D’Israël…
Pas d’armes de
destruction massive dans tout le Moyen-Orient. Si ce n’est en
Israël, unique bénéficiaire de la guerre américaine en Irak .
Le Roi Midas,
lui aussi, avait intenté un procès à son barbier, pour avoir dévoilé
le terrible secret des oreilles de l’âne du roi ; mais : trop tard !
Le secret était connu de tous. De la même manière, le secret de
Polichinelle de l’influence juive aux Etats-Unis a été divulgué,
grâce à l’incitation à la guerre de ses épigones.
Mais le CRIF
[le Consistoire de Marseille, NdT] avait une raison supplémentaire
d’attaquer Les Oreilles de Midas. Dans ce texte, j’ai cité
l’historien juif français Simha Epstein, lequel a révélé que des
organisations juives françaises ont acheté dans le plus grand
secret, et subverti, des médias français et, cela, des années
durant. Ce fait historique touchant de trop près a cœur sombre de
l’influence du Crif. Au lieu de contester cette affirmation, ou de
demander à Simha Epstein, un éminent historien juif du Centre
Israélien d’Etudes sur l’Antisémitisme, de les éclairer à son sujet,
les gens du CRIF ont tenté de l’occulter. Deux quotidiens, Le Monde
et Libération (alias L’Immonde et L’Aberration) se sont, à
l’évidence, sentis visés : ils ont attaqué simultanément
Pierre-Alexandre Orsoni, Marcel Charbonnier et moi-même. Ni l’un, ni
l’autre de ces deux journaux n’a osé contester l’accusation formulée
par Epstein. Précisons que Le Monde a accueilli le président
israélien en titrant à la Une : « Sioniste et fier de l’être… »
Les accusations
fallacieuses de « haine raciale » ne doivent pas nous égarer. Ce
sont nos ennemis sionistes qui incitent à la haine raciale ; c’est
Alain Finkielkraut (« Ce qui est bon pour les juifs est bon pour la
France ») qui insulte les Arabes ; c’est André Glucksman qui insulte
les Russes, c’est Daniel Goldhagen qui insulte les officiers
allemands, en des termes les plus racistes qui soient.
Mais de Gaulle
n’a pas « incité à la haine raciale » quand il a lancé son appel à
la Résistance contre l’envahisseur allemand. Jeanne d’Arc n’a pas
« incité à la haine raciale » lorsqu’elle s’est battue pour la
France, contre le suzerain anglais.
Nos amis, le généreux
Pierre-Alexandre Orsoni et le valeureux Marcel Charbonnier,
appartiennent à la même souche de Français que Charles de Gaulle :
ils combattent pour la France Libre, contre l’ombre envahissante de
l’impérialisme judéo-américain et de sa cinquième colonne en France.
Amis de la Palestine, ils ont connaissance de la Croix de Lorraine
offerte par de Gaulle à Arafat. Le président palestinien assiégé la
porte toujours sur son cœur, en signe d’amour pour le Christ et pour
ses combattants, Français et Palestiniens. Elle donnera la victoire
à ceux qui n’ont pas peur et aux méritants. C’est une certitude.
Les juges de Marseille ne
doivent pas avoir peur, eux non plus. Pour un juge – par opposition
à un certain paysan de Tarascon – la couardise est un péché : c’est
le péché impardonnable commis par Ponce-Pilate. Ils ne doivent pas
prêter l’oreille à la claque du CRIF [du Consistoire, NdT], qui
exige que ces deux hommes soient crucifiés.
Après tout, la France n’est pas
encore occupée. Même si, à voir l’impudence de la Cinquième Colonne,
on peut avoir cette impression.
La règle en vigueur à New York
et à Tel Aviv ne concerne pas encore Marseille.
Bien que les Alpes et leurs dangers soient réels,
Tartarin peut encore avancer.
[1] : Les
Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon (1872)
[2] :
http://www.pcn-ncp.com
[3] : L’amour
des musulmans pour le Christ et Sa Mère est inscrit dans le lieu
saint islamique le plus sacré de Jérusalem : la Coupole du Rocher,
où des calligraphies en lettre d’or commandées par les Califes
Omeyyades proclament : « Saint est Jésus-Christ ! Saint est le Jour
de Sa Nativité, et Saint le Jour de Sa Résurrection ! »
[4] : The
Sparrow and the Cockroach [Le Moineau et le cafard]
[5] : Michel
Foucault : Débat avec les maos – 5 février 1972, Les Temps Modernes,
n° 310. |