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Entre le Pin et l’Olivier

Par Maria Poumier

 

Le dernier ouvrage en date d’Israël Adam Shamir, Le Pin et l’Olivier, éd. Booksurge, (http://www.amazon.com/lolivier-charmes-discrets-Terre-sainte/dp/141966056X a France: EPE, chez M. Sfar, 1 rue Cassini 75014, Paris; plumenclume@orange.fr) est le couronnement de sa réflexion sur la Palestine, parce que c’est une encyclopédie (382 pages très serrées) sur cette intersection des civilisations, et que l’auteur y déploie la méthode dialectique dont ses articles de combat semblent parfois nous éloigner, par leur tir à répétition sur une cible privilégiée, l’idéologie judaïsante, ses métastases cachées et ses méfaits qui crèvent les yeux. Depuis la nuit des temps, le messager de nouvelles qui font mal attire sur lui la haine. Mais la haine hystérique des borgnes et des aveugles est en elle-même un certificat de qualité, de lucidité. Plaignons-les, les « malsins »[1], ces formatés par la terreur à l’intérieur d’un quelconque ghetto de leur choix, qui ne savent échapper à leurs hantises que par la manie du harcèlement policier, partout où la pensée respire, où la pensée déborde !

 

« La mauvaise monnaie chasse la bonne […] et nous qui avons survécu [à cette loi de la sélection dans notre monde docile au marché] , nous sommes peut-être la mauvaise monnaie chassant la bonne», écrit Shamir (p. 31). Avec ce « nous », l’essentiel du livre est dit. Nous, c’est le couple infernal, les Guëlfes et Gibelins du temps présent, ceux que le camp dominant appelle les Juifs et les Antisémites, « nous », c’est cette médiocrité commune qui nous ressemble et nous rassemble. Shamir écrit à partir de son horizon russo-palestinien, c'est-à-dire eurasiatique, pour des lecteurs occidentaux. Avec une prudence louable et respectable, il évite de s’engager sur les terrains culturels qu’il connaît moins. Dans ce livre, son « nous », ce sont d’abord les gens qui lisent en russe, la langue originale de ce livre, certainement ses lecteurs les plus exigeants, parce qu’ils glosent avec lui le même héritage, les mêmes aïeux et les mêmes livres inépuisables ; puis la famille de Shamir s’est élargie, depuis le début du siècle et de l’intifada, moment où il a choisi de s’exprimer en anglais et de prodiguer son talent dans le monde riche, celui pour qui le web est une caverne d’Ali Baba, un inépuisable gisement des joyaux de la féerie mentale. La première traduction de Le Pin et l’Oliver est cependant la traduction française, parfaitement maîtrisée [2]. A partir de ce moment, le « nous » du livre est devenu un nous français, Shamir a trouvé une nouvelle écoute privilégiée, celle du pays agité dont le Finisterre regarde toujours un peu plus loin, un peu avant les autres, à la pointe de l’Eurasie. 

 

Pour retrouver une monnaie de bon aloi, en soi et en nous autres, Shamir s’enfonce dans les époques les plus reculées, pré-bibliques, ces temps sur lesquels les militants ordinaires, lecteurs de ses articles, croient n’avoir nulle prise, et s’en remettent aux spécialistes, abdiquant leur esprit critique, et manifestant parfois un ressentiment d’esclaves, devant des herméneutes moins submergés qu’eux par la matière. Première leçon de méthode : les origines sont là, elles ne nous quittent pas, les ancêtres réclament en offrande notre reconnaissance de leur existence pleine, augmentée, et non pas amoindrie, du poids des millénaires. Shamir introduit d’ailleurs, comme d’autres penseurs occidentaux, une réhabilitation du polythéisme, dit primitif, qui ouvre d’immenses perspectives, pour sortir des impasses monothéistes ou se disant athées. [3]

 

Pour fil d’Ariane, dans ce voyage au centre, cette recherche du plus profond dans les évènements disparates et les imprévisibles du passé, le pas d’un âne. Dans son ouvrage antérieur Pardes, une étude de la Kabale, Shamir avait déjà fait une place de choix à cet animal. [4] Dans d’autres articles, il a repris plusieurs vieilles fables palestiniennes qui ont pour personnage central un âne, sans oublier celui qui porte Jésus à Jérusalem le dimanche des Rameaux. Ici, c’est l’ânesse Linda qui commande : elle a promené Shamir de Judée en Samarie et Galilée, dans les années où, jeune immigrant soviétique, il découvrait son nouveau pays. La deuxième leçon de méthode, c’est donc Linda : les bêtes tracent les chemins des hommes, et ce sont elles qui nous portent. Le sens de l’histoire, l’homme le trouve à parcourir son territoire, au pas sûr de plus petit et plus solide que soi. Et c’est le paysage qui révèle, qui est le grand tableau divinatoire.

 

Le Pin et l’Olivier est donc un récit de voyage, écrit à la façon des romantiques, le voyageur rêveur étant en lui-même la mesure de toutes les curiosités. En parfait respect des priorités naturelles, c’est entre autres qualités un guide de la gastronomie palestinienne, et un guide des chemins de traverse  pour touristes et pèlerins de toute farine.

 

Les époques, les invasions, batailles, énigmes, forteresses, clochers, minarets, palaces et ruines se succèdent et s’entassent : Sarrazins, Croisés, Perses, Grecs, Turcs, Byzantins,  Thaïlandais, Ethiopiens, Marocains ou Russophones : la leçon pour le présent en est que l’invasion ashkénaze du XXème siècle est bien moins singulière qu’il ne nous paraît : comme les autres, elle sera absorbée, naturalisée, digérée par la terre. La singularité de notre temps est dans le fait que nous en ayons été pris tellement au dépourvu, nous, les Occidentaux suffisants. Shamir reste froid et hardi, dans l’analyse du mal comme dans les remèdes : « La perte de l’indépendance n’est pas plus mortelle que celle de la virginité » (p. 96).

 

 

Cette grande compilation de batailles et de sièges témoigne du goût imperturbable de l’auteur, (fier des qualités de Tsahal, dont il a été), pour la guerre. Comme pour ses héros, les blessures que tentent de lui infliger ses ennemis, les parangons du  venimeux, n’en sont pas pour lui. Entre les lignes, voici ce qu’on entend, surtout dans la dernière partie du livre : Raciste, moi ? Si je ne m’apitoie pas, comme il est de bon ton de le faire, sur les souffrances des vaincus ni même celles des juifs, c’est parce que je suis capable d’en supporter bien plus encore, des coups d’épingle empoisonnée de vos hypocrisies féroces ;  et je tiens à porter le fer dans la plaie parce que la douleur que j’inflige fait hurler et donc parler, vous fera cracher votre vérité. Je vous attends au tournant, je vous laisse venir, vous les véritables racistes, dans toute la dimension hideuse de la chose ! Dégoisez, dégoisez, j’écoute… Shamir donne d’ailleurs une clé de déchiffrement du racisme institutionnel et actif même chez les contempteurs officiels des discriminations, à partir du cas des Israéliens de gauche qui agissent « comme les Américains d’aujourd’hui renient les colons qui ont égorgé les Indiens, sans pour autant renoncer au territoire de l’Amérique qu’ils ont acquis par cet égorgement » (p. 240). Le nez écrasé dans ce cinglant portrait qui englobe tout l’Occident, il nous faudra bien un jour aller au-delà des  « yaka » incantatoires…

 

De fait, la parole brûlante de Shamir, qui fait glapir les douillets, nous a déjà rendu beaucoup de santé. L’idée impensable d’un seul Etat pour tous, avec le miracle sud-africain pour modèle, il en a été le pionnier. Malgré la farouche obstination de l’antisionisme officiel, celui qu’Israël considère comme tout à fait tolérable dans ses marges, l’idée du mariage forcé et fécond entre le Blanc et le Noir, la Victime et le Bourreau, le Néo-nazi juif et le Palestinien normal, sur tout le territoire naturellement délimité du Jourdain à la mer, et du Liban à l’Egypte, cette idée, la seule digne de ce nom, avance, et commence à percer avec force (voir Steven Friedman et Virginia Tilley - " Taken for a ride by the Israeli Left ", The Electronic Intifada, 26 janvier 2007, traduit par Michel Ghys sur  http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=682&var_recherche=+virginia+tilley ).

 

Un chapitre dans Le Pin et l’Oliver, surprend, c’est « L’intermède espagnol » ; l’auteur tire d’un parcours de Tolède à Gibraltar la conclusion qu’on n’attendait pas de celui qui a été sacré champion de l’antisémitisme érudit par ses ennemis incultes, et insensible à la  bienséance idéologique : les chrétiens étaient les sionistes de leur époque, et les Rois catholiques n’auraient pas dû expulser ni les Juifs ni les Maures, ils ont entamé le processus de désertification spirituelle de l’Andalousie ; la preuve en est, cinq cents ans plus tard, que les habitants côtiers vendent stupidement leurs rivages aux promoteurs véreux qui ont en un demi-siècle défiguré le littoral ; les Andalous ont perdu leur ressort, leur lien viscéral et sacré avec leur propre paysage. Le raccourci dans le temps est osé, les antisémites (im)purs et (dur)durs vont pousser de hauts cris : voilà le juif qui montre le bout de l’oreille, au final ! A travers la métaphore espagnole, ce qu’il suggère, c’est que les Palestiniens gardent les juifs envahisseurs parmi eux, comme si de rien n’était, comme si cette racaille n’allait pas aussitôt recommencer à les saigner ! [5] Mais Shamir est aussi le traducteur de Abraham Zacuto[6], le grand géographe et penseur judéo-espagnol du XVème siècle, et il sait de quoi il parle, en matière de judaïsme, hispanique ou autre. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, ce chapitre nettement philosémite ne calmera en rien le zèle inquisitorial des judaïsants espagnols contemporains. Il est probable que Shamir ne l’a pas rédigé pour rentrer dans leurs bonnes grâces, et un jour viendra où les meilleurs parmi les Espagnols classeront Shamir comme un des leurs, un héritier fidèle de la grande famille des  juifs sincèrement convertis saint Jean de la Croix, Bartolomé de las Casas, sainte Thérèse d’Avila, écrivains, batailleurs et bâtisseurs autrement profonds que les censeurs de Shamir.

 

Shamir surprend, parce qu’il voit plus loin que ses lecteurs, non seulement dans le passé mais aussi dans l’avenir.

 

Entre le Pin, l’arbre que les immigrants russes et canadiens ont planté pour rayer de la mémoire les villages palestiniens, et l’Olivier tragique qu’on arrache tous les jours à ses cultivateurs, il y a tout ce qui fleurit : le bon sens chevronné, celui des fables datant d’Adam et Eve, celui des blagues de la rue anonyme (celle qui nous venge des censeurs de tout poil), l’élégance dans le récit et la fulgurance argumentaire; il y a aussi le parfum que la terre saignante elle-même exhale : le chapitre sur le péché originel de l’Etat d’Israël, le vol des terres, est une ancre, qui ramène chaque autre crime à ses proportions subséquentes : « Deir Yassine Remember », reste le mot d’ordre de toute réparation vraie (« La source du mal », pp. 160 et suivantes).

 

Shamir, qui n’a même pas peur de son ombre, raconte et explique son étape sioniste, dans le sillage de Gershom Scholem, avec émotion, et fierté. On comprend ses contradictions lorsqu’il fait la comparaison avec d’autres épisodes historiques sur lesquels l’amnésie sélective semble la seule issue de secours du croyant: « Aujourd’hui, il est difficile d’ajouter foi aux belles chansons de Palmah, comme aux belles chansons des constructeurs du Komsomolsk: l’expulsion, comme le Goulag, recouvre tout ce que l’époque eut de bon (p. 181).

 

Le livre se termine par des développements sur les différentes tendances du judaïsme à l’époque moderne, et les occasions qui se sont présentées pour que cette religion retrouve une validité universelle, échappe à son usage actuel et trivial, tribal et sans scrupules. Le commentaire sur l’apostasie de Sabbataï Tsevi, « le Messie hérétique » du XVIIème siècle, (pp. 359-367) peut être lu comme fable résumant les rapports entre le mythe et l’histoire factuelle. La source en est Renan.

 

Encore une fleur à cueillir au passage, dans ce livre paysage et fourmillant : l’origine de la parabole du bon Samaritain, l’une des plus révolutionnaires de l’Evangile ; et Shamir tend la main aux athées honnêtes dans sa conclusion : « Jésus, descendant de l’antique famille royale juive et d’un lignage sacerdotal, rendit les idées de la Tora à toute l’humanité, et son origine sacerdotale et royale nous rappelle les nobles qui, comme Lénine, Mirabeau ou les Gracques, prirent le parti du peuple contre « leurs frères de classe » (p. 140).

 

Ce livre donne sens à la Palestine en tant que Terre sainte pour tous, sans la moindre bigoterie. Il nous concerne tous, nous qui pouvons le lire. Les leçons qu’il donne, à nous de les transposer sur chaque autre Terre sainte où se posent les questions des invasions et du pillage des richesses naturelles et spirituelles. Nous sommes la fausse monnaie, oui, il faut le reconnaître, falsifiée par l’arrogance tartuffique que nous admirons, partageons et attribuons parfois aux sionistes seuls, dans un effort incomplet de distanciation ; par la vertu de l’esprit, « la fontaine miraculeuse, la seule : plus on y puise, plus il y en a », nous pouvons, c’est à portée de flèche, redevenir personnes ne bon aloi, la bonne monnaie qui permet le véritable échange.

 

Les musulmans qui aiment Shamir considèrent qu’il est à mi-chemin de sa conversion à l’Oumma. Inch Allah, que Dieu lui prête vie pour découvrir encore d’autres territoires, encore plus universels que ceux qu’il connaît à ce jour. Il faut d’abord qu’il soit lu, pour que lui revienne en miroir ce qui, dans ses écrits, vaut le plus, est fondateur, et ce qui, comme en chacun de nous, n’est guère que le reflet indompté de préjugés dont il a hérité, et qui peuvent être surmontés.

 

De cet écrivain rare que recherchent les assoiffés de justice et de sens, une forte métaphore, en  sa forte traduction par Marie Bourrhis : «  J’aime à cheminer dans le désert sans gourde: ainsi, mourant de soif, j’atteins à grand-peine une source et je m’y jette pour boire jusqu’à plus soif. Pour moi, c’est une métaphore de la vie en soi: un désert avec des sources; dans la vie aussi, je vais sans gourde et un jour peut-être, je ne trouverai pas la source de l’eau, ou de l’argent, ou de l’amour. Cette incertitude fatale est le prix de l’insouciance. Mais si l’on cède à la tentation de rester à la source, on se souvient des autres sources, celles que l’on ne connaît pas encore, et l’on reprend la route. » (Le Pin et l’Olivier, p. 142)

 

Notes :

 

[1] « Malsines » est le nom espagnol des délateurs qui, dans les communautés juives médiévales, mettaient tout leur zèle à renseigner les autorités rabbiniques sur les mal pensants ; les historiens espagnols considèrent qu’ils se sont recyclés parmi les rabatteurs pour l’Inquisition catholique, dans le sillage de Torquemada, juif converti.

[2] Le livre peut être commandé, pour l’instant, dans toutes les librairies franchement malpensantes, sur les sites de vente par internet, et à l’association Entre la Plume et l’Enclume, chez M. Sfar, 1 rue Cassini, 75014, Paris, accompagné d’un chèque de 28 euros, incluant les frais de port pour la France.

[3] « L’origine commune du judaïsme, de l’orthodoxie, du christianisme latin et des deux

rameaux de l’islam entretiennent l’illusion que le monothéisme est une évidence. On

parle «du dieu unique» en regardant de haut les polythéistes. Mais ce n’est qu’une aberration

culturelle. Comme toutes les théories religieuses propagées de nos jours (le léninisme,

le maoïsme, le monétarisme de Milton Friedman), le monothéisme donne l’impression

d’être le seul possible et le seul exact. Mais si on réfléchit, la vision du monde

d’Homère correspond bien davantage à la réalité. Il est bien plus facile et bien plus

logique d’expliquer les malheurs et le salut, les catastrophes et l’épanouissement par

un conflit entre plusieurs dieux, que par un changement d’humeur du dieu unique.

Pour expliquer pourquoi le bon souffre tandis que le méchant prospère, le monothéisme

doit introduire le concept de vie après la mort où tous seront traités selon leurs mérites.

Le bouddhisme, quant à lui, recourt à la réincarnation et au rachat des péchés dans une

prochaine vie, alors que les polythéistes l’expliquent plus simplement par l’intercession ou

l’hostilité de tel ou tel dieu. Dans ces conditions, plus besoin de vie éternelle ou de

métempsychose.[…] Nous rencontrons de plus en plus souvent cette idée: Marek Glogoczowski, philosophe hérétique polonais, propose d’identifier «le dieu «juif» avec Mammon et attrtibue à Allah la destruction de son temple à New-York. Il est tout simplement impossible d’expliquer les catastrophes naturelles sans le polythéisme: la Bible elle-même a

dû introduire Satan (dans le livre de Job) comme divinité inférieure. Les cabalistes juifs

sont carrément revenus à un polythéisme évolué. Conscients des insuffisances du monothéisme, les orthodoxes et les catholiques ont complété laTrinité avec le culte des saints, et Daniil Andreïev a élaboré un système néoolympien fondé sur les Outsraors. Et maintenant que l’européocentrisme du XIXe siècle a disparu et qu’on s’est familiarisé avec le polythéisme de nations évoluées comme la Chine, le Japon, l’Inde, on comprend plus facilement le polythéisme antique ». (p. 334-335)

[4] « L’Ane du Messie », selon le prophète Zacharie, l’âne d’Abraham, celui de Moïse, et d’autres ; voir Pardes, Une étude de la Kabbale, éd. Alqualam, 2004 (diffusion : association Entre la Plume et l’Enclume, plumenclume@yahoo.net )

[5] « Ce qui s’est passé il y a si longtemps en Espagne peut se comparer à l’histoire de

la Palestine. Les chrétiens d’Espagne, repoussés vers le Nord, ont choisi une idéologie

qui ressemblait beaucoup au sionisme. Ils se sont efforcés de reprendre leurs lieux symboliques: toute l’Espagne était chrétienne, en effet, à l’arrivée des Maures. Ils ignorèrent

le fait que la majorité de la population du Sud de l’Espagne était restée sur place

et s’était en partie convertie à l’islam, et que même ceux qui étaient restés chrétiens

avaient subi l’influence tolérante du califat de Cordoue avec son pluralisme. Ils ignorèrent

le fait que la population du centre et du sud de l’Espagne s’était jetée dans les

bras des Maures et que les envahisseurs et les gens du pays étaient de la même famille

ethniquement et culturellement. Les chrétiens du Nord préférèrent une histoire mythique plus simple: les Maures avaient conquis l’Espagne, il fallait les chasser et rendre l’Espagne aux Espagnols, comme s’il s’agissait d’un peuple étranger qu’on pouvait chasser en conservant son propre peuple et sa propre terre ». (p. 249) « L’exemple espagnol devrait être présent aux yeux des Israéliens et des Palestiniens: l’expulsion en masse de la population détruit un pays non pas pour des années mais pour des siècles, et la richesse confisquée aux expulsés est une malédiction. Dans la lutte contre la culture de l’autre, la culture du destructeur périt elle aussi, tandis que la persécution d’une minorité ethnique peut amener la perte des libertés de la majorité. » (p. 256)

[6] Rabbi Abraham Zacuto, The book of Lineage or Sefer Yohassin, Translated and Edited by Israel Shamir, Zacuto Foundation, 2005.

 

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