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Continue à briller, ô Cuba : introduction illustrée

par Israël Shamir

(1er février 2008)

traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai prononcé cette conférence dans la délicieuse ville de La Havane. Cette ville, que je n’avais pas vue depuis longtemps, s’est beaucoup embellie, beaucoup de maisons et de rues ont été réparées, les drogues et la prostitution ne sont pas visibles, il y a des voitures plus neuves, mais le charme d’antan demeure. Même dans les quartiers déglingués, on ne trouve ni le désespoir, ni la violence et l’abattement que vous trouverez, par exemple, dans le sud du Bronx, à New York. Les gens, à La Havane, chantent, dansent, fument leurs longs cigares là où ça leur chante : c’est ça, la liberté ! Celui qui aux petits des oiseaux assure la pâture l’assure aux Cubains, aussi : les magasins sont dégarnis, mais les gens semblent correctement nourris, et ils sont bien habillés.

 

Ils ont fait de Central Park un Hyde Park Corner, bien que l’on y dispute essentiellement de sport. Les Cubains voyagent à l’étranger, aussi, même s’il n’est pas facile, pour eux, d’obtenir des visas d’entrée dans les pays qui se plaignent depuis toujours de la politique cubaine de restriction de l’immigration. Cette amie est allée à trois reprises à Miami voir sa famille, mais, la quatrième, elle s’est vu refuser le visa américain. Beaucoup de Cubains vont dans les pays d’Amérique latine pour y combattre l’illettrisme ou pour y apporter leurs compétences médicales, après quoi, ils rentrent chez eux. Les restaurants sont généreux, mais la nourriture varie, d’horrible à passable. Les boissons, en revanche, sont aussi délicieuses qu’aux temps d’Ernest Hemingway. Il y a peu d’anxiété, et beaucoup d’espoir en un avenir meilleur, toutefois, sans changements notables. Les peintres, les musiciens, les artistes cubains, de manière générale, vivent bien, et ils produisent des œuvres originales. Les églises sont enfin restaurées, après avoir été négligées beaucoup trop longtemps, bien que leur fréquentation soit encore plutôt faible. Le Vatican est tout à fait négatif à l’égard de la révolution et du socialisme ; l’Eglise ne veut pas sortir de sa réclusion, m’a dit un prêtre modéré.

 

Pendant ce temps, la Santeria, un culte indigène d’origine africaine se répand de plus en plus. Il n’est pas rare de voir des gens entièrement vêtus de blanc ; ce sont des adeptes de la Santeria. L’Etat ne se préoccupe pas plus de l’Eglise catholique que de cette Santeria.

 

Dans les campagnes, ça ne va pas mal non plus. Le pays est vert, et propre ; en particulier quand on a dépassé les faubourgs de La Havane. J’ai habité chez un cultivateur de café, dans les montagnes, à environ cent kilomètres de la capitale. Coïncidence incroyable, il se prénommait, lui aussi, Israel (j’ai appris que ça n’est pas particulièrement rare, ici). Un type impressionnant, qui fait tout, sur son exploitation de cinq hectares, de ses deux mains, avec l’aide de deux journaliers, il était très satisfait du socialisme : l’Etat lui achète tous les ans sa production, et il le paie correctement (l’Etat lui achète son café à 20, et le revend à 25 dans les commerces de détail). Sa fille est médecin, et son fils l’aide, à la ferme. La seule chose qui les gêne, c’est que l’Etat les paie en monnaie locale, alors qu’il doit payer en peso lourd et convertible, pour tous ses achats personnels. C’est certainement désagréable, mais il est difficile d’éviter la spéculation sur une monnaie, dès lors qu’elle est négociable. Il obtient des devises fortes en louant des chambres à des étrangers qui viennent se baigner dans les eaux de Soroa, un lieu isolé et idyllique, situé dans une vallée dissimulée dans la montagne. Vous serez les bienvenus chez lui : il n’y a pas le téléphone, mais il vous installera confortablement, pour un prix raisonnable, ce qui n’empêche que c’est chez lui que j’ai le mieux mangé, de tout mon séjour dans l’île.

 

Le pays est plutôt en bon état, même s’il est très cher pour le visiteur. Ils ont un taux de change du dollar quasi dissuasif ; allez-y donc avec d’autres devises. Toutefois, les posters « George Bush = Adolph Hitler », et les drapeaux noirs devant l’ambassade des Etats-Unis font plus que compenser ces petits inconvénients. Fidel continue à gouverner personnellement, et le journal publie ses lettres, écrites de sa propre main. Certes, tout cela est étrange, mais Cuba s’efforce de vaincre la Cupidité, et c’est là une tâche ô combien hardie ! L’avidité et la luxure sont les péchés les plus difficiles à combattre, nous enseigne le Talmud, au cas où nous ne le saurions pas ! J

 

Les Russes n’ont jamais retrouvé leur statut perdu. Fidel ne leur pardonne pas l’ère Gorbachev, durant laquelle le KGB [anti-]soviétique livra un Etat socialiste après l’autre aux Américains. Le tour de Cuba aurait normalement dû venir, quelque part entre la République Démocratique Allemande et la Roumanie. La RDA était un pays tout à fait viable, et les Ossies continuent à en regretter le démantèlement. Mais le KGB était acharné à éradiquer totalement le socialisme. A Cuba, les forces de Gorbachev utilisèrent le général Ochoa en vue d’un coup d’état et de la restauration totale du pouvoir des Etats-Unis, mais Fidel en a tiré la leçon,  et il a fait exécuter les traîtres, a indiqué récemment le site russe http://www.left.ru

 

Poutine a lui aussi commencé son mandat en bradant la base russe à Cuba. Celle-ci a été condamnée, au prétexte que la location annuelle (afin de mettre sur écoute la totalité du trafic des télécommunications de l’ensemble de l’Amérique du Nord). Il est vrai que Poutine et la Russie ont énormément changé, depuis l’an 2000, mais ils devront travailler d’arrache-pied s’ils veulent faire oublier leurs erreurs passées.

 

Le Venezuela est le grand ami de Cuba, actuellement. Les deux pays entretiennent des relations multiples, et pas seulement commerciales. Des personnalités cubaines et latino-américaines (des révolutionnaires et des dignitaires) ont assisté à la conférence ; l’espagnol était de rigueur, et j’ai été sauvé par Mme le professeur Maria Poumier, notre amie, notre collègue, écrivaine et traductrice très introduite dans la société cubaine.

 

Comme beaucoup de Cubains, elle se veut plutôt martienne que marxiste. Pourtant, elle n’est pas particulièrement passionnée par la guerre, et elle n’a pas été transformée en petit homme vert. Explication : Jose Marti, un écrivain cubain du dix-neuvième siècle, a supplanté Marx dans la conscience publique. Ce n’est pas une mauvaise idée : à bas le culte de ces grosses têtes de penseurs allemands ! Marx, Freud ou Einstein : No ! Cuba Libre : Si ! Ou plutôt : Mojito (s’il vous plaît).

 

Entre autres personnes intéressantes, j’ai rencontré Celia Hart, avec laquelle j’avais polémiqué [ voir http://www.left.ru/inter/2004/shamir.html ] à propos de Staline (mon préféré) et de Trotsky (le sien), voici de cela quelques années : nous avons fait la paix en trinquant au Ronkoli (le Rhum Collins, en cubain).

 

Un autre Cubain avec lequel je m’étais engueulé, Otero, vient de disparaître : pris de court, nous n’avons pas pu nous réconcilier.

 

Je suis passé à la télé cubaine, et j’ai donné des interviews aux deux quotidiens nationaux, faisant la promo de notre idée d’un unique Etat démocratique en lieu et place de l’apartheid en Palestine/Israël. L’apartheid sud-africain a été détruit par le courage des Cubains en Angola : je les en ai félicités. Ils m’ont répondu d’un ton cassant qu’ils n’envisageaient pas d’envoyer des troupes à Gaza…

 

°°°°°°°

 

Continue à briller, ô Cuba !

[Conférence prononcée par Israël Adam Shamir lors de la Deuxième Conférence pour l’Equilibre Mondial, tenue à La Havane, Cuba, le 29 janvier 2008]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Israël Shamir en compagnie de Maria Poumier, écrivain, traductrice

et spécialiste de la société cubaine.

 

C’est pour moi un grand honneur que de me trouver à Cuba et de m’exprimer devant vous, car, pour les gens de ma génération, Cuba restera à jamais une composante importante de notre jeunesse romantique. J’étais encore un adolescent quand, voici, de cela, quarante-cinq ans, le jeune Fidel Castro jura d’apporter la révolution et la liberté aux habitants de l’ensemble des Amériques, de la Terre de Feu aux glaces de l’Alaska, en passant par Washington, et son appel résonne encore à mes oreilles. Ce furent là des journées glorieuses, mais elles appartenaient au passé, et durant très longtemps, les gens eurent le sentiment que cela n’arriverait plus jamais, que nous devrions nous contenter de ce dernier refuge de liberté, survivant de nos jours. Je vous ai apporté de bonnes nouvelles : ne soyez pas abattus ! Ce n’est pas demain la veille que votre dernier nid de résistance à la loi de l’Empire risquera d’être balayé. La vague de l’histoire mondiale est en train de tourner, et nous sommes prêts à passer à la contre-attaque. Ceux qui s’opposent à l’Empire Néo-Libéral sentent bien qu’ils ne sont pas les derniers bisons dans la prairie, l’armée victorieuse, demain, ce sera : nous !

 

La révolution est nécessaire, et quiconque l’aurait oublié, se le serait vu rappeler, voici quelques jours de cela, par les événements dans ma Palestine chérie. Les habitants de Gaza ont fait une véritable révolution : ils ont voté contre la volonté de l’occupant, ils ont expulsé le gang de collaborateurs dirigé par Dahlan, ils ont brisé le siège, ils sont sortis, ils ont risqué leur vie, ils ont débordé l’armée, retourné la barrière, traversé les fils de fer barbelés, effacé la frontière entre deux pays, commis tant et tant d’actes héroïques, subi des pertes. Sans cette révolution, ils n’auraient même pas été autorisés à acheter du pain pour leurs enfants. C’est là un bon exemple, pour nous tous : rien n’est possible si l’on se cantonne aux limitations légales que nous imposent nos ennemis. Il y a besoin de cette poussée que l’on appelle la Révolution !

 

Le sujet de la conférence, c’est l’Equilibre, car, à mon avis, l’équilibre est le nom de la victoire que nous obtiendrons demain. En effet, l’équilibre est ce dont notre monde a douloureusement besoin – l’équilibre entre l’opulence et la modestie, entre droits et devoirs, entre besoins de la majorité et désirs des minorités, entre masculinité et féminité, entre désir de changement et besoin de stabilité, entre interventionnisme et souveraineté, entre superpuissances et petits pays, entre laïcité et églises. Tout régime politique tente d’atteindre une certaine forme d’équilibre, mais notre Equilibre doit être l’harmonie, seule équilibre stable.

En tant qu’écrivain israélien de langue russe, je partage mon temps entre Tel Aviv et Moscou, et je m’exprime à la fois du point de vue russe et du point de vue juif. J’ai grandi en Union soviétique, dans un pays socialiste, et comme vous le savez sans doute, le mot « Soviet » signifie « conseil », « avis ». C’est sans doute la raison pour laquelle je suis incapable d’arrêter de donner mon avis sur tout !J L’Union soviétique avait ses problèmes ; la Russie post-soviétique a les siens. Je suis d’accord avec ce que dit Maxim Kantor, un merveilleux écrivain russe : si cinquante ans de communisme ont démontré l’échec du communisme, les vingt ans de capitalisme qui leur ont succédé ont démontré que l’échec du capitalisme est encore bien pire. Ce n’est pas les problèmes matériels qui ont entraîné la chute de l’Union soviétique (les Russes vivaient bien mieux que les Cubains), ni les pénuries, mais les problèmes idéologiques : c’est sur le front des idées que les idéologues soviétiques ont été battus.

 

La bataille des idées ne s’est pas déroulée dans le mental de quelque ermite isolé, mais dans les esprits de millions de personnes, connectées entre elles par les moyens du discours, à partir d’une conversation, autour de la table familiale, à propos d’une émission de télé. Le discours façonne le champ de bataille, et ce champ de bataille, comme tout champ de bataille, n’est pas une étendue étale, sans reliefs qui lui soient propres ; non : vous devez imaginer des collines, des rochers escarpés, des vallées encaissées, avec des torrents, au fond, qui rendent ce champ de bataille aussi difficultueux que n’importe quel champ de bataille, dans la vraie vie.

 

Cette bataille a changé de nature, étant donné que nos ennemis, qui sont aussi ceux de la liberté, ont inventé et assemblé une machine unique, absolument inédite dans l’histoire de l’humanité. Cette machine, c’est un appareil entièrement intégré de formatage de l’opinion publique ; elle consiste en des mass media, des experts et des universités ; elle possède pratiquement toutes les chaînes de télévision et tous les journaux ; elle produit une narration unique, et elle réussi à laver le cerveau des braves gens. Les propriétaires de cette machine, ce sont les Maîtres, les Propriétaires du Discours. Ce sont eux, qui décident ce que les gens sauront et quelle opinion sera ou non acceptable, et quelle opinion sera bannie. C’est grâce (ou plutôt, à cause) de cette machine que les dirigeants impérialistes sont devenus tellement accros à la démocratie : ils savent bien, eux, que cette machine infernale fait de la démocratie un slogan creux.

 

 

Voici un exemple. Il y a, de cela, quelques jours, se déroulaient les primaires, dans l’Etat américain du Nevada. Le deuxième en lice était Ron Paul, un candidat anti-establishment, anti-guerre, libertarien. Nous ne débattrons pas ici de la question de savoir si ce Ron Paul est bon, ou mauvais, pour notre cause ; ce qui importe, en l’occurrence, c’est le fait que les media américains, intégrés dans leur machine à décerveller unique, n’ont strictement rien dit de son succès. J’ai vérifié des dizaines de reportages : son nom n’a même pas été mentionné, bien que le troisième candidat ait été mentionné, lui, plus qu’abondamment. Autrement dit : les media, aujourd’hui, sont capables de saper jusqu’à la démocratie bourgeoise qu’ils étaient supposés protéger et alimenter.

Cela n’a rien de nouveau : Vladimir Lénine, dans son ouvrage Etat et Révolution, écrit en 1916, disait que la démocratie, y compris la démocratie bourgeoise, ne peut être réalisée tant que les media appartiennent à des personnes privées susceptible d’en limiter l’accès. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est le niveau atteint par l’intégration : les journaux privés d’antan pouvaient être bons ou mauvais, libres ou pas. Mais, aujourd’hui, les media sont concentrés entre les mains d’une poignée de propriétaires et de trusts, qui décident de ce qui arrive, ou non, et de ce que leurs lecteurs peuvent lire, ou non.

 

La machine médiatique est tellement bien intégrée qu’elle alimente aussi bien la gauche que la droite. Certes, il y a une différence entre les media de droite et les media de gauche, entre, disons, le Guardian et le Telegraph, en Angleterre, ou entre The Nation et le New York Post, aux Etats-Unis, voire même entre Libération et Le Figaro, en France. Mais cette différence n’est pas aussi importante qu’il le semblerait car, en définitive, tous ces journaux sont des media bourgeois. On est confrontés, ici, à une différence modérée, subtile. Tous les trente-six du mois, un canard de gauche publie un article de gauche, mais en temps ordinaire, les journaux, qu’ils soient réputés de gauche ou de droite, aux Etats-Unis et en Europe, sont profondément anticommunistes, et ne cessent de dénoncer Staline, d’éreinter les musulmans, de soutenir Israël, de ressasser l’Holocauste et d’oublier Hiroshima.

 

Néanmoins, ils veulent vous donner une impression de liberté, une impression de choix. Aussi offrent-ils quelques fausses alternatives à l’opinion publique. Ainsi, par exemple, au sujet de Cuba, ils vous proposent certains choix : la droite bourgeoise dit que Cuba devrait être conquis ou ostracisé, tandis que la gauche bourgeoise affirme que Cuba doit être traité en douceur, afin d’y encourager un changement de régime politique. Les gens, automatiquement, choisissent le moyen sexy. Le troisième choix – voir en Cuba un laboratoire d’une société d’avenir – n’est jamais, au grand jamais, envisagé…

 

C’est ça, le réel changement : jusqu’à présent, il y avait une vraie différence d’opinions, qui s’exprimait même dans les medias bourgeois ; désormais – ça n’est qu’une mascarade. Tandis que le régime socialiste s’efforce de créer un consensus, de former une opinion correcte unique, les techniques modernes d’endoctrinement appliquent le principe de l’équilibre et du juste milieu. Ces techniques sont fondées sur un trait psychologique : confrontée à deux idées, tout individu recherche automatiquement, instinctivement, un équilibre entre les deux, puis il choisit le juste milieu.

 

Prenons l’Iran ; ils offrent un choix : les Etats-Unis et/ou Israël doivent-ils bombarder l’Iran, ou ce pays doit-il être désarmé, au moyen de sanctions ? L’Allemagne demande plus de sanctions, les Etats-Unis ont du mal à réfréner leur prurit de bombardement. Un choix bien préférable – celui de laisser les Iraniens faire ce qu’ils entendent faire – n’est, bien entendu, jamais pris en considération. Les diplomates russes disent généralement qu’ils conviennent du fait qu’un Iran doté de capacité nucléaire est inacceptable, bien qu’ils pensent qu’il y a des moyens soft de convaincre les Iraniens, autres que les sanctions ou les tapis de bombes. Ont-ils raison ? Mettons de côté, pour l’instant, le côté non-agressif de l’Iran. Même si le programme nucléaire iranien devait être mené à bien, l’Iran n’a pas les moyens de livrer la bombe atomique à domicile. Il ne dispose pas de missiles à même de véhiculer une charge nucléaire où que ce soit. Sur ces entrefaites, le quotidien israélien Haaretz http://www.haaretz.co.il/hasite/images/printed/P180108/a.a.1801.1.1.9.jpg

a publié une carte, le mardi 17 janvier, qui montre que les nouveaux missiles israéliens, les Jericho-3, peuvent atteindre Moscou et Berlin, et qu’ils sont parfaitement capables de livrer à domicile certains des multiples engins nucléaires que détient Israël dans ces capitales. Contrairement à l’Iran, Israël est un pays généralement très agressif. Le grand éditorialiste israélien Matti Golan rêve de rayer l’Allemagne de la carte, tandis que les néocons juifs, tel Max Boot, présentent la Russie comme une menace majeure.

 

Toutefois, il est interdit de débattre de ce danger pesant sur la Russie et l’Allemagne, mais le danger qu’est censé incarner l’Iran peut – que dis-je, doit – être ressassé sans fin. Les Russes peuvent souligner la menace israélienne ; et fournir à l’Iran des moyens balistiques de se défendre, ou, grâce au savoir-faire nucléaire, de créer un nouvel équilibre au Moyen-Orient. Mais l’appareil occidental de formatage de l’opinion les en dissuade.

 

En fin de parcours, le problème est celui des intellectuels. Naguère, les intellectuels occidentaux avaient de fortes sympathies communistes, mais ce n’est plus le cas, aujourd’hui. Ils sont si nombreux à avoir été séduits, et à soutenir aujourd’hui le capitalisme, à l’admettre, que beaucoup d’entre nous sommes devenus des collaborateurs zélés de l’impérialisme. Aux Etats-Unis, en Europe et en Russie, le sionisme a joué un rôle très important dans ce changement climatique.

 

Au début des années 1960, les jeunes juifs – des hippies de San Francisco aux kibbutz israéliens – soutenaient la gauche. Certains propriétaires de journaux et certains banquiers juifs avaient des sympathies pour le courant de gauche. Mais c’est à partir de cette époque-là que les juifs américains commencèrent à considérablement améliorer leur position dans la société américaine. En 1965, les juifs américains avaient des revenus un peu au-dessous de la moyenne, ils étaient tenus à l’écart des positions éminentes au sein de la société, et ils étaient favorables à la révolution et au changement ; en 2008, les juifs des Etats-Unis gagnent en moyenne trois fois plus que l’Américain goy moyen, occupent dix fois plus de postes éminents que la moyenne, et ils sont, aujourd’hui, très majoritairement à droite.

 

Les juifs de gauche d’hier sont devenus des néocons, ce sont des enfants de trostkistes qui ont aidé Ronald Reagan à détruire l’Union soviétique et qui imposent, aujourd’hui, le blocus à Cuba. La juiverie organisée a glissé vers la droite, et elle y a emmené, avec elle, la machine médiatique, devenue plus prosioniste, et plus monolithique.

 

Vous pourrez l’observer aisément avec cette question clé qu’est la question palestinienne. Il est dans l’intérêt des peuples israélien et palestinien d’éliminer l’apartheid de la manière dont cela a été obtenu en Afrique du Sud (grâce aux efforts des Cubains), c’est-à-dire en créant un seul et unique pays démocratique, dans lequel les juifs et les non-juifs soient égaux, aux yeux de la loi. Mais, au lieu de cela, dans le meilleur des cas, la Palestine est une collection de bantoustans tels que ceux qui ont été à juste titre éliminés en Afrique du Sud. C’est pour cette raison, que l’effroyable crime consistant à affamer un peuple tout entier, le peuple palestinien, a pu se produire, sans que cela ne suscite trop de protestations, bien que Fidel ait condamné le siège imposé à Gaza en des termes très clairs. Il est impossible, même de seulement évoquer l’alternative de l’égalité, l’option sud-africaine, dans les journaux américains et européens. C’est la raison pour laquelle l’apartheid sud-africain fut universellement condamné et éradiqué, tandis que l’apartheid en Israël/Palestine continue à être florissant.

 

Le sionisme est l’ennemi de Cuba et de tout pays sud-américain libre : Israël, perpétrateur de l’apartheid, vote systématiquement contre Cuba dans tout scrutin, à l’ONU et dans toutes les autres instances. Les meilleurs amis d’Israël, aux Etats-Unis, ce sont Bush et Giuliani, les archi-ennemis de Cuba. Israël a fourni des armes aux Contras, pour les aider à combattre les Sandinistes. Israël et la juiverie organisée américaine participent activement à la cabale contre Hugo Chavez.

 

Beaucoup d’hommes et de femmes, en Israël, aiment Cuba, écoutent votre musique et porte des tee-shirts à l’effigie du Che, mais le pouvoir, dans l’Israël de l’apartheid, appartient à quelqu’un d’autre : il appartient aux ennemis de Cuba et aux ennemis du socialisme. De la même manière, il y a beaucoup de juifs américains qui aiment Cuba, mais les puissantes organisations juives sont contre Cuba, et contre Chavez. La gauche prosioniste est devenue un « bon flic », qui joue son petit jeu avc le sale flic de la droite, mais en poursuivant le même but. Ce bon flic de gauche a fait de son pire afin de saper l’Union soviétique. Le magnat des media britanniques Robert Maxwell, qui était l’ami des dirigeants soviétiques et publiait leurs livres dans le monde entier, était un agent du Mossad, le service secret israélien. Avec des amis comme ça, l’Union soviétique n’avait certes pas besoin d’ennemis…

 

Nos ennemis disent que des médias contrôlés par l’Etat ne sont pas des médias libres. Pour eux, des « médias libres » ne sauraient être que des médias détenus par d’opulents magnats. Je n’ai jamais pu comprendre pour quelle raison un journal appartenant à un Rotshchild (comme Libération, dans le cas français), serait automatiquement plus libre qu’un journal appartenant à un peuple tout entier, fusse à travers son Etat ?

 

Les médias à capital public sont un important atout, qu’il convient de conserver, dans l’intérêt du peuple. Les médias privés seront, tôt ou tard, contrôlés par un riche magnat, et intégrés à la machine dont nous avons parlé. Mais les médias à capital majoritairement public doivent apprendre à offrir le choix. Nous savons qu’il existe une opposition pro-occidentale, chez vous, à Cuba. Nous l’entendons s’exprimer, dans les médias occidentaux. Mais il y a aussi des dissidents de l’opinion exactement opposée, il y a des gens, à Cuba, qui veulent PLUS de communisme. J’ai cru comprendre que leurs opinions étaient considérées comme quelque peu vieillottes. Mais pourquoi ne pas les laisser exprimer leur opinion, afin que leur voix puisse contrebalancer celle des intellectuels pro-occidentaux. Alors, notre opinion personnelle pourra, à juste titre, être considérée comme le juste milieu !

 

L’Union soviétique s’est effondrée PARCE QUE les médias détenus par l’Etat avaient été pris sous leur contrôle par des apparatchiks pro-occidentaux, et que ceux-ci avaient effectivement bloqué l’accès d’opinions autres au peuple. Internet doit être adopté, avec enthousiasme et empressement : tout d’abord, nos positions sont fortes, sur le ouèbe. Les Maîtres du Discours ne le contrôlent pas encore. On y trouve des milliers de sites favorables à Cuba et aux idées d’égalité, des sites qui démasquent les mensonges du néolibéralisme. Ensuite, Internet est très abordable. De nos jours, il n’est plus besoin de câbles, l’internet mobile est en mesure de parvenir dans le village le plus reculé, et tout étudiant peut y accéder. Pour Cuba, où les livres sont chers et difficiles à trouver, Internet offre la solution idéale. Les Cubains éduqués deviendront un élément important dans la bataille des idées, et ils devraient être formés à tenir ce rôle. Internet le permet, dès lors que s’y déroulent des milliers de débats, simultanément.

 

L’effondrement de l’URSS a été causé, dans une large mesure, par les classes russes éduquées, l’intelligentsia, qui était très pro-occidentale aux derniers jours de l’ère soviétique. Une des raisons était que le style de discours propre à l’Union soviétique ne permettait pas des débats ouverts. Ils n’avaient jamais lu Chomsky, ils n’avaient jamais entendu Fidel ; à l’époque, Internet n’existait pas. Ils ignoraient l’existence des puissants groupes et expressions anti-impérialistes, en Occident. Ils étaient innocents : ils pensaient que nous allions vivre comme des profs à Harvard, tandis que tous les Russes vivraient comme les Suisses, après le grand revirement vers le capitalisme. Résultat des courses : la Russie a énormément souffert ; ses biens nationaux ont été pillés, et le pays était au bord de l’effondrement total. L’intelligentsia a souffert le martyre. Son sort a été résumé par Viktor Pelevin, dont je vous recommande chaudement de lire les livres.

 

Il a écrit ceci : à l’époque communiste, l’intelligentsia russe était supposée baiser le cul du Dragon Rouge, et elle était payée à coups de noyaux de pêche pour ce faire. Les intellectuels haïssaient donc le Dragon, et ils l’empoisonnèrent avec le bâton de rouge à lèvre que leur avait offert le Crapaud Vert. Mais ils apprirent, très vite, que le Crapaud Vert n’avait que faire de millions d’intellectuels, il avait besoin, en tout et pour tout, de trois intellectuels capables de fellationner le Crapaud vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tout en souriant avec délice.

 

La majorité du peuple russe est profondément mécontente du capitalisme – non pas seulement parce que son sort personnel a empiré, mais parce que le capitalisme a rendu la Russie dépendante de l’Ouest. Aujourd’hui, le président Poutine, qui est un nationaliste modéré, a adopté une orientation plus patriotique, et les choses se sont un peu améliorées, mais même aujourd’hui, s’il y avait une démocratie authentique et ouverte, les Russes opteraient pour une politique antiyankee plus énergique et plus anti-néo-libérale. Actuellement, le capitalisme traverse une crise d’une profondeur qu’il ne connaissait plus depuis bien longtemps, les dollars si recherchés étant devenus de vulgaires morceaux ce papier dénués de valeur. La vision socialiste de la situation doit être autorisée à être présentée activement dans les médias. Et pas seulement socialiste : les opinions non-libérales, anti-bourgeoises, de manière générale, doivent pouvoir s’exprimer publiquement.

 

Tout en se prétendant sans opinion, sans engagement, les Maîtres du Discours sont les dévots d’un paradigme pseudo-libéral, ou néolibéral. Celui-ci prône la liberté individuelle, l’exclusion de l’Eglise de la vie active, les droits de l’homme, les droits des femmes. Tout cela semble bel et bon. Mais ces dogmes doivent être contrebalancés, pour être acceptables. A défaut, c’est la société dans son ensemble qui sera déséquilibrée.

 

Considérons, par exemple, les droits de l’Homme. N’est-ce pas là un noble concept ? Mais c’est au nom de ce concept, précisément, que des pays ont été conquis, et que des centaines de milliers de personnes ont été massacrées. On attaque fréquemment Cuba en raison de ses « violations des droits de l’Homme », car Cuba, en effet, limite lesdits droits quand ceux-ci transgressent les droits de la société. Nos adversaires dénient que la société puisse avoir, elle aussi, des droits ; pour eux, seuls des individus, et de préférence ceux qui ont un tas d’argent, sont susceptibles d’avoir des droits. On m’a interrogé, sur une télé russe, à propos des droits de l’Homme à Cuba, et j’ai répondu : c’est vrai, il y a, à Cuba, d’horribles violations des droits de l’homme, et il faut les dénoncer. A Guantanamo, Cuba. Mais, curieusement, ils ne voulaient pas en entendre parler… J Le concept de droits de l’homme doit être contrebalancé par des obligations envers la société, a dit une importante philosophe communiste, Simone Weil, dans son livre intitulé L’Enracinement, ou Déclaration des Devoirs envers l’Humanité. A ses yeux, les droits étaient « subordonnés et relatifs » aux devoirs. Si Simone Weil a pu donner cette réponse correcte, c’est parce qu’elle avait refusé de tomber dans le piège du libéralisme. Elle refusa catégoriquement de se plier aux dogmes libéraux, fusse du bout des lèvres.

 

Considérons les droits des minorités sexuelles. Le droit, pour les homosexuels, d’adopter des enfants, doit être équilibré par le droit des enfants à avoir un vrai père et une vraie mère. Leur droit à se « marier » devrait être équilibré par le droit des hommes et des femmes de s’engager dans une union sacramentelle unique, appelée communément mariage. De même, le droit, pour un homme, de manger du porc, devrait être limité par le droit, pour un collectif de juifs ou de musulmans, de disposer d’un lieu qui n’ait pas été profané par la présence d’un porc. Ce n’est pas là une question sans importance : les gens ordinaires, l’immense majorité des gens, partout dans le monde, sont contre la priorité donnée aux droits de minorités sexuelles sur leurs propres droits à une vie familiale. Aux Etats-Unis, cette question est utilisée afin de créer un schisme entre les militants progressistes et la population.

 

La liberté religieuse. L’animosité entre socialistes ou communistes et l’Eglise n’est pas quelque chose d’inéluctable ; elle s’est produite dans certains contextes historiques, et elle peut, aujourd’hui, être dépassée. Au plus fort de la Révolution, en 1918, le grand poète russe Alexander Block eut la vision de soldats de l’Armée rouge guidés par un Jésus Christ invisible. Si les communistes russes avaient su créer l’harmonie avec l’Eglise, le communisme aurait survécu. Il est bien qu’à Cuba, les églises soient ouvertes ; vous avez de bonnes relations avec l’Eglise catholique, avec sa tendance dite de la théologie de la libération, et vous êtes attachés à votre propre tradition si colorée, de la Santeria.

 

Mais une situation apaisée avec l’Eglise, cela signifie plus d’interaction, dans les deux sens. Au XIXème siècle, le gouvernement colonial de Cuba déporta les prêtres catholiques en masse, parce qu’ils soutenaient la révolution. Le gouvernement actuel peut renverser la tendance. En Amérique latine, il y a beaucoup de prêtres et d’évêques prosocialistes, et on pourrait les faire venir à Cuba, tandis que les prélats antisocialistes pourraient, quant à eux, être invités à prendre leur retraite.

 

Enfin, une dernière chose, que je tiens à vous dire : soyez sûrs de votre bon droit. Vous êtes dans le droit chemin. La vie, à Cuba, ne cesse de s’améliorer, depuis les années 1990. Vous avez toujours le leader avisé, Fidel Castro, qui est l’équivalent de Noam Chomsky, pour sa pensée radicale ; il a une forte volonté, et le soutien des masses populaires – c’est un roi-philosophe comme en rêvait Platon... Vous avez toujours ceux qui ont repoussé l’agression américaine, qui ont abattu le cadavre blindé de l’apartheid, dans les savanes de l’Angola ; vous avez beaucoup de gens dotés du meilleur niveau scientifique dans le monde.

 

Vous êtes la lumière du monde !

 

Continue à briller, ô, Cuba !

 

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