Voeux de Pâques, depuis Israël
Par Israël Adam Shamir
2 avril 2007
Qu’y avait-t-il de bon, ou de mauvais, pour le
people d’Israël, en Egypte ? La Bible laisse le lecteur dans la
confusion. D’un côté, les juifs étaient réduits à l’esclavage,
et ils construisaient les villes, craignant les coups de fouet
de contremaîtres brutaux. Exode 5:7-19 nous dit que Pharaon
cessa un jour de leur fournir la paille nécessaire à la
confection de leurs briques crues (encore aujourd’hui, dans la
vallée du Nil, on fabrique ces briques en pisé, en mélangeant de
la paille hachée à de la boue), et ils durent aller chercher de
la paille eux-mêmes, car leurs briques s’épuisaient. Quand ils
disaient : « Nous devrions nous arrêter, pour prier », Pharaon
leur répondait : « Vous dites cela parce que vous êtes oisifs ;
dépêchez-vous, faites votre travail, produisez plus de
briques ! » Et on les battait pour les faire travailler plus
vite.
Une légende (en hébreu, ‘midrash’) évoque une
femme enceinte qui était en train de mélanger de la paille et de
la glaise pour fabriquer des briques ; elle travaillait très
dur, et quand elle accoucha, le bébé tomba dans le puits et fut
lui-même transformé en brique. Cette brique fut enlevée vers les
cieux et déposée aux pieds de Dieu.
D’un autre côté, dans le désert, les Israélites
se plaignaient d’avoir abandonné l’abondance de l’Egypte, ce
pays de cocagne, où ils avaient en abondance tout ce qu’ils
pouvaient désirer – pour ne trouver, dans le désert, que
désolation et dureté.
Alors, de quoi s’agissait-il ? D’une cruelle
captivité, ou de la prospérité ? Cette contradiction ne peut
être tranchée de manière convaincante, à moins de comprendre que
l’histoire de l’Exode n’est qu’une grande métaphore. Le lien,
c’est le lien de la chair, celui de notre vie quotidienne, celui
de la recherche des biens matériels. Le Pharaon – appelez-le
Satan, si vous voulez – ou l’esprit du Consumérisme, exige de
nous que nous fassions toujours plus de briques, que nous
gagnions toujours plus de fric, afin que nous en oubliions Dieu.
Chaque jour, nous sacrifions un peu du temps que nous devrions
consacrer à nos enfants (« nous en faisons des briques »), car,
au lieu de nous occuper d’eux, nous travaillons davantage pour
honorer nos emprunts – le voilà, le quota de briques –, pour
rembourser la bagnole, que sais-je encore ? Et, de temps en
temps, nous allons dîner aux chandelles dans un restaurant
sympa, sur la côte ; voilà pour le pays de cocagne.
Dieu vous tire des liens de la chair
(“l’Egypte”), vers la liberté de l’esprit (la “Terre promise”).
C’est Lui-même qui vient vous chercher, et Il surmontera y
compris la mort pour vous sauver en vue de la vie spirituelle.
La vie, c’est plus que ces conversations insipides à base
d’emprunts immobiliers, de nouvelles bagnoles et de dîners aux
chandelles : l’Homme est plus que cela, bien plus qu’un simple
consommateur de biens de ce monde ; Il est à l’image de Dieu, et
il peut entrer dans la Terre promise de l’esprit fait chair. Tel
est le message pascal, et c’est ce qui fait de ce message le
plus important que l’humanité ait reçu jamais.
Un juif ordinaire prend cette métaphore au pied
de la lettre ; il pense qu’il s’agit là d’une histoire de ses
ancêtres physiques, réduits en esclavage dans le pays des
pyramides, qui avaient trouvé la liberté en Terre promise. Un
juif ordinaire pense que Dieu a effectivement tué les
premiers-nés d’Egypte et donné à Josué le pouvoir de massacrer
les indigènes du pays de Canaan [la Palestine, ndt] à seule fin
de fournir à sa famille une propriété de grande valeur en bord
de mer. Il pense que la Terre promise de la Bible est une terre
physique, réelle – la Palestine – et qu’il s’agit là de
l’histoire d’une libération d’un esclavage national et de
conquête d’un pays. Par cette interprétation, il prive ce
grandiose message de toute valeur spirituelle et universelle ;
il privatise l’histoire, et il se prive lui-même et autrui de
son authentique signification. L’histoire récurrente de juifs
utilisant le sang d’enfants pour le rituel de la Pâque est une
conséquence symbolique de ce ritualisme. Le chrétien répond :
puisque vous êtes tellement littéralistes, si vous voyez dans
l’histoire métaphorique de la libération de l’Homme quelque
trivial Drang Nach Osten, alors vous êtes sans doute capables de
verser du véritable sang d’enfants dans vos coupes de cristal…
Beaucoup de sang – d’enfants, et d’adultes – a
été répandu sur l’autel de la conquête sioniste. Mais cette
conquête de la Palestine était intrinsèque à la lecture juive
littéraliste de l’Exode, car le sionisme n’est que la
concrétisation littéraliste de la métaphore ; c’est le projet
consistant à conquérir la Terre promise par la force armée, au
lieu d’entrer en communion avec l’esprit par la prière, les
bonnes actions et la grâce. C’était là un projet titanesque,
gigantesque ; ne s’agissait-il pas de titans et de géants, ceux
qui tentèrent de conquérir l’Olympe et d’en chasser les dieux
bénis ? Mais dès lors que des peuples ont tenté d’appliquer
cette lecture littéraliste, il n’en est jamais rien sorti de
bon : voyez la conquête de l’Amérique du Nord [conquise par les
néo-juifs protestants, ndt], où seuls, quelques indigènes
survécurent (par opposition à l’Amérique du Sud [conquise par
des catholiques, ndt]), et la nation résultante, on ne le sait
que trop bien, cause énormément de problèmes au reste du monde.
De vulgaires matérialistes ignares [voir
http://www.israelshamir.net/Englis/Eng14.htm ] sont enclins
à « défendre les juifs », tout en accusant les « sionistes »,
car ils n’ont pas conscience des bases théologiques du sionisme,
et ces bases sont profondément ancrées dans le littéralisme
juif. Bien sûr, il y eut des sages juifs qui proclamèrent une
lecture métaphorique. Ainsi, ils expliquaient que le passage
« il n’y eut pas d’eau durant trois jours » (Exode 15:22-25)
était une référence à trois jours passés en l’absence
d’expression de Dieu. C’est grâce à ces sages, qui avaient
conscience de la signification secrète, spirituelle, de la Terre
sainte – la Terre de l’Esprit –, que le sionisme n’a pas surgi
avant la fin du dix-neuvième siècle. Mais le littéralisme
n’était jamais très loin, il n’était jamais suffisamment
exorcisé, si bien qu’avec l’ascension du matérialisme et le
déclin de la pensée, la lecture spirituelle de l’Ecriture fut
carrément mise à l’écart.
De la même manière, la triste histoire de l’Exil
peut – doit, même – être comprise comme la séparation de l’homme
d’avec la Grâce divine. Le Premier Homme était en communion
éternelle avec Dieu, en état éternel de grâce. Depuis le jour où
Adam fut chassé du Paradis, cette grâce nous manque cruellement.
Nous, les Chrétiens, nous avons le Christ, qui nous a offert le
moyen de reconquérir la grâce ; les gnostiques ont créé le joli
mythe de la Sophie, entrant dans un mariage sacré avec le
Christ. Mais dans la lecture littéraliste juive, même le concept
de la grâce a été oublié, et lui a été substitué un déménagement
physique, parfaitement trivial, en Palestine.
Bénis soient les Bouddhistes, pour n’avoir pas
entretenu l’idée saugrenue que la Terre des Purs serait quelque
part au Népal, où Gautama Bouddha naquit et fonda sa
philosophie. De fait, le littéralisme appauvrit ses adeptes,
comme l’a observé Karl Marx dans sa remarque fort pertinente :
« Le christianisme est la version sublime du judaïsme, et le
judaïsme est la version sordide du christianisme ». Le schisme
entre l’ancien Israël selon la chair et le Nouvel Israël de
l’esprit, c’est la césure entre les lectures métaphorique et
littéraliste de l’Exode. Les polémiques anti-judaïques livrées
par Saint-Jean Chrysostome et Martin Luther étaient des
argumentations – non pas contre une petite tribu, mais contre
les dénégateurs de l’Esprit. L’attaque anti-spirituelle,
extrêmement puissante, de la modernité, qui a presque totalement
effacé les traces de pas du Christ, est intrinsèquement
« judaïque », et elle est soutenue par des juifs dénégateurs de
l’esprit, même si elle a des adeptes bien plus nombreux, et pas
exclusivement juifs.
Les Pères de l’Eglise avaient conscience des
conséquences extrêmement dommageables du littéralisme. Origène [
http://www.earlychurch.org.uk/origen.php ] était un ennemi
de ces « littéralistes qui croient, au sujet de Dieu, des choses
qu’ils ne croiraient pas s’appliquant aux plus sauvages et aux
plus injustes des hommes » [Origène, Principes 4.1.8] Il pouvait
tolérer des croyants simplets, mais pas ceux qui judaïsaient.
Ceux-ci, au moyen d’un littéralisme légèrement plus sophistiqué,
tentaient de maintenir l’obéissance à la Loi juive à l’intérieur
de l’Eglise chrétienne, écrit Bradshaw. Mais le véritable
problème, avec ces judaïsants, c’était leur opposition à
l’esprit. Ils étaient du côté de la Lettre, c’est-à-dire qu’ils
étaient des littéralistes, et des dénégateurs de l’Esprit.
L’Eglise orthodoxe orientale a préservé dans
toute leur pureté les traditions des Pères de l’Eglise ; c’est
pourquoi elle met l’accent sur la lecture métaphorique du récit
biblique. Les icônes orthodoxes ne dépeignent pas la souffrance
du Christ, par opposition à la peinture religieuse occidentale ;
même si cette Eglise ne la dénie certainement pas, contrairement
à la tendance des Gnostiques, elle préfère l’image du Christ
Ressuscité, le Pantocrator, le Roi Suprême triomphant de la
Mort. Sur les icônes, le Christ est tout aussi serein sur la
Croix qu’assis sur son Trône, dans les cieux.
Pour nous, cette semaine (pascale) est le temps
béni pour obtenir le don le plus important et le plus précieux
de Dieu : la Grâce. Ne voyez, toutefois, dans les mythes, que
leur seul objet, qui est de concentrer votre mental sur
l’esprit, de la même manière qu’un rosaire aide à se concentrer
sur sa prière. Ne soyez pas inconsidérément préoccupés par les
détails du mythe, ni par l’aspect matériel du rosaire.
Souvenez-vous : si nous obtenons la grâce, nous pourrons
résoudre tous les petits problèmes de ce monde. Sortir de
l’Egypte de la chair, et entrer dans la Terre Promise de
l’Esprit, tel est ce que nous pouvons nous souhaiter,
mutuellement, et chacun, à nous-mêmes.
°°°°°°°
Paschal Greetings from Israel
04.02.2007
adam@israelshamir.net
Was it good or bad in Egypt for the people of
Israel? The Bible leaves the reader confused. On one hand, they
were enslaved and had to built the cities in fear of the brutal
overseer’s whip. Exodus 5:7-19 tells that the Pharaoh ceased to
provide them with straw to make bricks of (even to this day they
mix straw and clay to make bricks in the Nile Valley) and they
ran around gathering stubble and straw for the quota of bricks
remained as it was. Whenever they would say: “We would rather go
and pray”, the Pharaoh would answer: you say so because you are
idle, you have too much time on your hands; hurry, do your job,
deliver more bricks! And they were beaten to work harder and
faster.
A legend (“midrash”) tells of a pregnant woman
who was mixing straw and clay for bricks, worked hard, and when
she gave birth, her child fell into the pit and was made into a
brick. This brick was taken up to heaven and laid at the feet of
God.
On the other hand, in the desert, the Israelites
complained that they had left the flesh-pots of Egypt, the land
of plenty, where they had everything they ever could wish - for
the hardships of desert life.
So what it was – a cruel bondage or prosperity?
This contradiction can’t be settled convincingly, unless one
understands that the story of Exodus is an extended metaphor.
The bondage is the bondage of flesh, of our everyday life, of
pursuit of things. The Pharaoh, call him Satan, or Consumer
spirit, demands from us to make more and more bricks, to earn
more money, so we will forget about God. Every day we sacrifice
some time of our children (“turn them into bricks”) for instead
of attending to them we work more to pay mortgage, this is the
quota of bricks, to repay for the car credit, and what not. And
from time to time we go to a nice candle-lit restaurant on the
seaside for a good meal – this is the fleshpots.
God takes you out of bondage of flesh (“Egypt”)
to the freedom of spirit (the “Promised Land”). He Himself comes
to take you out, and He will overcome even death to save you for
spiritual life. Life is more than small talk about mortgages and
new cars and candle-lit dinners, Man is more, much more than a
consumer of goods, He is Godlike and can enter the Promised Land
of spirit in flesh. This is the Paschal message, and that is why
this is the most important message mankind ever received.
An ordinary Jew takes this metaphor literally;
he thinks this is a story of his physical ancestors who were
enslaved in the land of pyramids and escaped into the Promised
Land. An ordinary Jew thinks that God actually killed the
first-born of Egypt and empowered Joshua to kill the natives of
Canaan in order to provide his family with a valuable seaside
real estate. He thinks that the Promised Land of the Bible is a
physical real land, Palestine, that this is a story of
liberation from national slavery and conquest of a country. By
such interpretation, he debases this great message of its
spiritual and universal meaning; he privatises the story and
robs others and himself of its true meaning. The recurring
motive of Jews using blood of children for the Passover ritual
is a symbolic reply to this literalism. The Christian replies:
if you are that literal, if you read the metaphoric story of
Man’s liberation as some trivial Drang Nach Osten, you may as
well pour real blood of children into your crystal goblets.
Much blood - of children and of adults – was
poured on the altar of Zionist conquest. But this conquest of
Palestine was inbuilt in the literalist Judaic reading of Exodus
for Zionism is a literalist realization of the metaphor, the
project of conquering the Promised Land by force of arms instead
of connecting to spirit by means of prayer, good deeds and
grace. It was a titanic, gigantic project; I mean the titans and
giants who tried to conquer Olympus and unseat the blessed gods.
And whenever people applied this literalist reading, no good
came out of it, vide the conquest of North America, where very
few natives survived (as opposed to South America) and the
resulting nation causes much trouble to the rest of the world.
Ignorant vulgar materialists <http://www.israelshamir.net/English/Eng14.htm>
are prone to “defend Jews” while accusing “Zionists”, for they
are not aware of theological grounds of Zionism, and these
grounds are deeply entrenched in Judaic literalism. For sure,
there were Jewish divines who proclaimed metaphoric reading, for
instance, they explained “there was no water for three days”
(Exodus 15:22-25) passage as reference to three days without
God’s Word. Thanks to these wise men who were aware of the
secret spiritual meaning of the Holy Land, that is the Land of
Spirit; Zionism did not break forth until late 19th century.
But literalism was never far away, never sufficiently exorcised,
and with rise of materialism and decline of understanding, the
spiritual reading of the Scripture was altogether discarded.
Likewise, the sad story of Exile can and should
be understood as departure of man from the Grace of God. The
First Man was in eternal communion with God, in eternal state of
grace. Since the exile of Adam from Paradise, we sorely miss
this grace. The Christians have Christ who offered us the way to
regain the grace; Gnostics created a pretty myth of Sophia
entering the sacred marriage with Christ, but in Jewish
literalist reading even the concept of grace was forgotten and
transplanted by quite trivial physical relocation into
Palestine.
Blessed are the Buddhists who did not entertain
the thought that the Pure Land is a part of Nepal where Gautama
Buddha was born and found his enlightenment. Indeed, literalism
debases its followers, as Karl Marx noted in his witty remark:
“Christianity is sublime Judaism, while Judaism is sordid
Christianity”. The schism between old Israel of flesh and new
Israel of spirit is the split between metaphoric and literal
readers of the Exodus. Anti-judaic polemics carried out by St
John Chrysostom and Martin Luther were arguments – not against a
small tribe, but against the deniers of spirit. Extremely potent
anti-spiritual attack of modernity which almost obliterated
Christ’s footsteps is deemed “Judaic”, and is supported by
spirit-denying Jews, though it has wider and not exclusively
Jewish following.
Fathers of the Church were aware of extremely
troublesome consequences of literalism. Origen <http://www.earlychurch.org.uk/origen.php>
was an enemy of "literalists who believe such things about [God]
as would not be believed of the most savage and unjust of
men".[Origen, Principles 4.1.8] He could tolerate simple
believers, but not the Judaisers. By means of a more
sophisticated literalism this group attempted to continue
obedience to the Law within the Christian Church, writes
Bradshaw, but the real problem with the Judaisers was their
opposition to spirit. They were with Letter, i.e. they were
literalists and spirit deniers.
The Eastern Orthodox Church preserved the
uncorrupted traditions of the Church Fathers, and that is why
she stresses the metaphoric reading of the Bible narrative.
Orthodox icons do not depict suffering of Christ, as opposed to
the Western paining: though the Church surely does not deny it
as the Gnostics were prone to, she prefers the image of Christ
Resurrected, the Pantocrator, the Supreme King victorious over
Death. On the icons, Christ is equally serene on the Cross and
on his Throne in heaven.
For us, this week is the time to obtain the most
important and most precious gift of God, the Grace. See though
myths for their only purpose is to concentrate your mind on
spirit, like rosary helps to concentrate on prayer. Do not
become inordinately concerned with the details of the myth, or
with material of the rosary. Remember, if we get grace, we can
solve all small problems of this world. Out of Egypt of flesh to
the Promised Land of spirit, this is what we may wish to each
other and to ourselves.
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