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Le joug de Sion

par Israël Shamir

on Shamireaders, samedi 5 août 2006

adam@israelshamir.net

Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft.



Une petite troupe de combattants déterminés prend le dessus et repousse l’armée la plus puissante dans sa région : c’est classique, dans l’Histoire. Ecartez-vous et dégagez, les Thermopyles : Bint Jbeil fait son entrée ! L’Evêque d’Antioche Philippe a comparé le nivellement de cette petite ville libanaise à la destruction de Stalingrad. Mais ces deux villes ont aussi en commun le courage de leurs défenseurs respectifs. Cela n’est pas si fréquent : ce n’est pas toutes les générations qui méritent d’assister à un exemple aussi éclatant de courage : trois longues semaines durant, une poignée de combattants du Hizbullah – deux mille hommes, selon les estimations les plus optimistes – ont repoussé les assauts de troupes israéliennes paralysées dix fois, vingt fois plus nombreuses. Voici quarante ans de cela, les Israéliens vainquirent trois armées en une semaine. Mais aujourd’hui, le talisman des envahisseurs s’est éventé – plus probablement, il est passé chez le vaincu. Dans le narratif quelque peu efféminé de la victime, qui prévaut de nos jours, la souffrance attire plus l’attention que la bravoure masculine. Ainsi, le massacre de Qana a éclipsé un événement plus important : la résistance inébranlable des combattants libanais. Mais le deuil d’Andromaque ne doit pas occulter le courage d’Hector : les hauts-faits du Hizbullah méritent d’être immortalisés par les aèdes.

 

Pourquoi, cette guerre ? Laissons les menus détails à un futur Plutarque ; il s’agit en fait d’une énième bataille pour la Palestine. Soutenus par l’Empire qu’ils tiennent à leur merci – les Etats-Unis – les juifs avaient toutes les armes, toutes les munitions, tout le soutien diplomatique, quand, enivrés par leur hybris, ils ont fait irruption dans une Gaza affamée et désarmée afin d’en massacrer les derniers résistants et d’y imposer le Joug de Sion. Leur invasion avait été préparée par un siège imposé depuis un an et par des bombardements incessants : leur outrecuidance les avaient donc persuadés qu’ils ne feraient de Gaza qu’une bouchée, quand ils l’auraient décidé. Et, de fait, tout le monde resta interdit : les Egyptiens vendirent la gloire de la Guerre de Ramadan pour une poignée de billets verts, les fils du Hedjaz et du Nedjd étaient tout à leur boulot à leur pompe à essence et les princes du Golfe s’occupaient exclusivement de leurs faucons. Les juifs se sentaient sûrs d’eux, quand ils se mirent en marche pour aller massacrer Gaza : qui allait déranger le lion de Judah rugissant pour défendre sa pitance ? Et voilà qu’une petite force, depuis le Mont Liban a dit : nous ! Ils ont attaqué les juifs tout-puissants ; ainsi le nain coupa-t-il le jarret de Nazgul prêt à tuer. L’armée israélienne a abandonné sa proie et, se retournant vers le Nord, elle a frappé les combattants du Hizbullah de toute sa puissance. Mais ceux-ci n’ont pas lâché.

 

C’était là quelque chose de tout à fait inattendu. Les Israéliens avaient coutume de tuer – ou de disperser – des Palestiniens piètrement armés et non entraînés. Là, les combattants de Sayyed Nasrallah s’incrustèrent dans les collines dénudées de Bint Jbeil, et ils livrèrent bataille. S’ils avaient été promptement éliminés, les généraux israéliens auraient emmené leurs troupes victorieuses jusqu’à Damas et à Téhéran avant de revenir dépouiller la Palestine de son joyau inestimable : le Haram al-Sharif, le Dôme du Rocher. Cette catastrophe peut encore se produire, mais le risque en a été amoindri par l’opiniâtreté du Hizbullah.

 

Plus important : le Hizbullah a refusé de cesser le feu tant qu’Israël occuperait le territoire libanais. Cette position courageuse a sapé toute la stratégie des sionistes. Ils envisageaient d’occuper le Sud du Liban et d’attendre qu’une force internationale (voire même l’Otan !) vienne faire leur sale boulot à leur place. Il ne manque qu’une seule chose pour que la décision prise par le Hizbullah soit parfaite : le cessez-le-feu doit s’étendre en Palestine, tout aussi bien. Il est inconcevable que le Liban dépose les armes, tant que Gaza est assiégée et Naplouse dévorée.

 

Le Premier ministre israélien Ehud Olmert a déclaré : « Nous avons changé le Moyen-Orient ». Je ne sais pas si l’ensemble du Moyen-Orient a été changé, mais quant à nous, en Israël, nous constatons un grand changement. Jusqu’à présent, seuls, quelques hommes et femmes d’Israël demandaient à leur gouvernement de renoncer à leur agression contre Gaza et le Liban… Mais la pluie de roquettes Katyusha a fait changer d’avis à plus d’un. Entraînés, au début, par l’arrogance de leurs généraux, les Israéliens ont désormais découvert le prix exorbitant de la guerre. Leurs premières réclamations au sujet de l’échec de l’armée à « assurer » ont cédé la place à la critique de la politique gouvernementale. Ils ont commencé à comprendre que le temps ne joue pas en leur faveur.

 

A chaque instant, désormais, les régimes collabos de certains pays voisins risquent soit de tomber, soit de secouer le Joug de Sion. Leurs dirigeants avaient été amenés à croire en la supériorité juive, et c’est la raison pour laquelle ils ont jugé malin de condamner l’ «imprudence du Hizbullah ». Mais aujourd’hui, leurs peuples constatent que même une petite armée de combattants déterminés peut battre l’ennemi ; ils ne trouvent aucune justification au comportement lâche de leurs dirigeants. Cela peut amener des révolutions. Souvenons-nous que le Roi Faruq avait été évincé par de jeunes officiers dignes de Falloujah, déçus par sa faiblesse lors de la guerre de 1948.

 

Neil MacFarquhar écrit, dans le New York Times du 28 juillet : « Aux prémisses de la crise libanaise, les gouvernements arabes, Arabie saoudite en tête, ont collé une taloche au Hizbullah au motif qu’il provoquait inconsidérément une guerre, donnant ce que les Etats-Unis et Israël ont pris pour un clin d’œil et un hochement de tête d’approbation signifiant qu’ils pouvaient poursuivre les opérations.

 

Aujourd’hui, après des centaines de morts chez les Libanais et tandis que le Hizbollah tient toujours fermement face à l’armée israélienne qui fait son fanfaron depuis plus de deux semaines, la vague de l’opinion publique, d’une extrémité à l’autre du monde arabe, se soulève pour soutenir cette organisation, transformant le chef de la formation chiite, Sheikh Hassan Nasrallah, un héros populaire et imposant un changement dans les déclarations officielles [de ses gouvernants]. Ainsi, la famille royale saoudienne et le Roi Abdullah II de Jordanie, qui étaient initialement très préoccupés par l’ascension de la puissance de l’Iran chiite, principal soutien du Hizbullah, font tout ce qu’ils peuvent pour tenter de se distancer de Washington. »

 

Ce journaliste voit dans l’opinion populaire, la fameuse « rue arabe », le vecteur du changement. Mais celui-ci peut aussi venir d’en haut. Le cruel bombardement de Beyrouth et de l’ensemble du Liban était supposé effrayer les autres nations arabes et les amener à résipiscence. Bien au contraire, il a convaincu les Arabes riches et puissants que tant que ce seront les juifs qui donneront le la au Moyen-Orient, leurs richesses et leur pouvoir risquent de leur être confisqués à tout instant par le caprice d’un général juif. Beyrouth était pacifique, Beyrouth avait été d’accord pour chasser les Syriens, Beyrouth était le pays le plus pro-occidental, or cela n’a pas protégé cette ville contre les juifs ? Et ce, même pas par vengeance, puisqu’il n’y avait rien à venger ? Par simple brutalité arbitraire ? ! Les Arabes au pouvoir se demandent si l’Etat juif sera un jour capable d’être un voisin pacifique, ou bien s’il n’est pas (comme le dit le Président iranien Ahmadinejad) intrinsèquement belliqueux et s’il ne conviendrait pas plutôt de le traiter le Royaume des Croisés avait dû l’être.

 

De fait, ce Royaume de Jérusalem a duré plus que l’Etat juif aujourd’hui, et il aurait sans doute persisté durant des siècles, n’eussent été son agressivité innée et sa propension à servir de tête de pont aux invasions européennes. Le tournant, dans les fortunes des Croisés, se produisit voici environ huit cent cinquante ans, au cours de la Deuxième Croisade, qui ressemble de manière troublante à la Deuxième Guerre du Liban… A l’époque, les nations arabes étaient absolument persuadés de l’invincibilité des Croisés ; leur arrogance absolue conduisit lesdits Croisés à marcher contre Damas, leur voisine paisible, complaisante et hédoniste, capitale du moins belliqueux des pays arabes indépendants et terriblement divisés, une sorte de « Liban du douzième siècle ». Tout d’abord, les Croisés eurent affaire à la résistance du Hizbullah de l’époque, et ils perdirent beaucoup de soldats. Quand ils assiégèrent la ville, le gouverneur de Damas  fut contraint d’appeler à la rescousse Nureddin – le Mahmud Ahmadinejad d’alors – dont les renforts rappliquèrent. Les Francs durent lever leur siège et se retirer en toute hâte.

 

Les voisins arabes en tirèrent deux leçons : (1) la soumission et la complaisance ne sauraient leur assurer la paix, car l’Etat croisé est une épée de Damoclès éternellement suspendue au-dessus de leurs têtes et (2) les Croisés peuvent être vaincus. De la Deuxième Croisade émana Saladin, un neveu de Nureddin, qui unifia la Syrie et l’Egypte et finit par défaire les Croisés à la bataille des Fourches de Hittin. Aujourd’hui, ce sont exactement les deux mêmes leçons qui ont été apportés aux Arabes par les bons soins de « Tsahal ». Peut-être allons-nous faire la connaissance d’un nouveau Saladin ?

 

 

II

 

Mais les juifs risquent d’être confrontés à un autre danger, né de leur confiance en eux. Ils s’appliquent à eux-mêmes la terrible prophétie des Révélations 19:15. « De sa bouche s’échappe un glaive acéré, avec lequel il massacrera les goyim, et il les mènera comme un troupeau avec une verge de fer ; et il écrase de ses pieds les raisins de la colère de Dieu ». Ils prennent ça tellement à la lettre qu’ils avaient appelé leur massacre de Qana (en 1996, avec cent vingt réfugiés équarris) « Les Raisins de la Colère ». On a connu plus motivant, en matière de perspectives, et les Arabes ne sont peut-être pas les seuls à regimber à l’idée de se voir mener à la baguette… de fer.

 

Les Etats-Unis paient très cher les conneries des juifs. Un Américain pauvre peut très bien haïr l’idée qu’il n’a pas de sécu, mais que son gouvernement verse des subsides au riche Israël. L’Américain moyen qui fait le plein de sa bagnole peut ne pas apprécier de payer  le soutien de son gouvernement à l’Etat juif, car, avant que les Neo-Cohns ne s’emparent du pouvoir au sein de l’Administration, le pétrole était incommensurablement meilleur marché. Un Américain riche et citoyen du monde peut très bien tirer ombrage qu’on lui tire une gueule de trois pieds de long où qu’il aille : de Paris à Istanbul – alors qu’il était bien accueilli, avant le Joug de Sion.

 

Un Américain sans façons peut très bien ne pas aimer de ne pas pouvoir injurier un flic juif sans découvrir un article à ce propos dans le New York Times le lendemain. Un Américain pieux peut être dérangé par le fait de ne pouvoir mentionner le Christ sans risquer d’être convoqué au tribunal. Un Américain – ou un Européen – honnête peut très bien en avoir ras-le-bol de leur hypocrisie. Non seulement ils poussent à la guerre, mais ils accusent d’autres qu’eux de le faire ! Non contents d’assassiner des enfants par dizaines, ils pérorent sur l’inestimable valeur de la vie humaine !

 

Un Américain féru de Bible peut très bien se souvenir de la prophétie d’Ezéchiel, 22, qui dit aux princes d’Israël, au nom du Seigneur : « Vous êtes coupables du sang que vous avez répandu ; tous, chacun de vous, n’avez-vous pas mobiliser toutes vos forces afin de verser le sang ? » Il s’agit du sang des Palestiniens et des Libanais innocents ; Ezéchiel a aussi prophétisé le Rassemblement Sioniste des juifs, et que cela entraînera un désastre majeur pour les sionistes : « La maison d’Israël m’est devenue odieuse ; aussi je vous rassemblerai au centre de Jérusalem et je soufflerai sur vous le feu de ma colère, et vous y fondrez, et vous saurez que moi, le Seigneur, j’ai déversé ma furie sur vous. Les Israélites ont perpétré l’oppression, ils ont commis le vol, ils ont porté tort au pauvre et au nécessiteux ; certes, ils ont opprimé les Gentils d’une manière abjecte, et par conséquent je les ai consumés dans les flammes de ma colère ; je les ai traités comme ils avaient traité autrui, dit le Seigneur Dieu ».

 

Un homme politique américain, peut-être même un Président, peut très bien, un jour, en avoir un jour ras-le-bol de la fringale inextinguible de ces gens de réclamer la sympathie ou de protester en manifestant bruyamment leur indignation ; de la nécessité de toujours contrôler ses propos, de la censure idéologique et de la discipline du parti, de leurs manies de chantage, de leurs poches rembourrées et de leur mainmise sur les médias, de l’épée de Damoclès qu’ils agitent en permanence au-dessus de sa tête.

 

De plus, un Américain ou un Européen qui se revendique aujourd’hui comme « juif » devrait se demander s’il a bien grand-chose en commun avec ce peuple dont les poètes exhortent leurs soldats en ces termes délicats : « Déferlez sur le Liban et sur Gaza, Labourez-les et ensemencez-les de sel, rasez-les au sol, ne laissez en vie aucun être humain / Faites de leur pays un désert, des décombres, une vallée de désolation, dépeuplée / Sauvez votre nation et lancez les bombes / Sur les villages et sur les villes, canardez leurs maisons en train de s’effondrer / Tuez-les, répandez leur sang / Faites de leur vie un Enfer sur terre ! »

 

Il peut y réfléchir à deux fois avant de décider s’il souhaite devenir une arme secrète d’Israël, pour reprendre les propos du Premier ministre Olmert, qui a déclaré : « Les armes arabes, même quand elles nous frappent, ne sont rien en comparaison de l’arme secrète infiniment puissante que nous possédons : le peuple juif, répandu dans le monde entier, et ce sentiment particulier d’amour et d’engagement mutuel qui prévaut entre tous les juifs, quels qu’ils soient. » Il peut tout simplement cesser de se considérer juif et se fondre dans la commune humanité, comme l’ont fait avant lui des millions de ses semblables.

 

Un de mes amis juifs a écrit : « J’ai demandé à plusieurs de mes amis, aux Américains, s’ils pensaient que le mantra sioniste conservait son pouvoir, et ils m’ont tous répondu par la négative. Le lobby n’a pas, je pense, un avenir très brillant devant lui – c’est la raison pour laquelle ses agents sont désormais confrontés à des poursuites judiciaires. Même si leur emprise sur le Congrès persiste encore quelque temps, leur domination sur l’opinion américaine ne peut désormais que diminuer. Je suis d’accord avec Lenny Brenner quand il affirme que les jeunes juifs sont en train de déserter  masse le judaïsme et le sionisme. »

 

Les Israéliens – c’est-à-dire les habitants de la Palestine qui se considèrent juifs – doivent aussi désormais se demander s’ils veulent se battre et défendre le Joug idéologique de Sion, qui ne leur apporte que la haine à l’extérieur et la pauvreté à l’intérieur. Au lieu de vivre dans la prospérité économique et en harmonie avec nos voisins, le Joug de Sion ne fait que nous transformer en chair à canon nécessiteuse.

 

Et puis, en fin de compte, les Américains et les Européens peuvent tout simplement finir par en avoir ras-le-bol de ces gens qui ne cessent de faire la leçon aux autres et qui ne veulent jamais écouter l’avis d’autrui. Il n’est pas jusqu’aux Allemands qui ne puissent un jour envoyer valser d’un coup de pied leur interminable repentance. Alors, c’en sera fini du Joug de Sion, car ce Joug n’est qu’une croyance partagée en je ne sais quelle supériorité juive. Alors, les juifs parfaitement bénins devront apprendre à devenir des citoyens ordinaires de leurs pays respectifs, sans accès spécial aux Présidents, aux coffres des banques et aux écrans des postes de télévision…

 

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